N° 1278 | Le 1er septembre 2020 | Par Cédric C., 18 ans suivi en Maison d’enfants à caractère social | Espace du lecteur (accès libre)

Applaudir et remercier…

Thèmes : Protection de l’enfance, Éducateur spécialisé

Pendant le confinement à 20 heures, nous nous sommes mis à nos fenêtres et avons applaudi tous les soignants en guise de remerciements pour les soins apportés auprès des victimes du Covid-19. De ma fenêtre, à mon niveau j’ai aussi souhaité dire merci à ceux qui prennent soin de moi depuis l’âge de 16 ans. Les relations avec ma mère sont devenues si compliquées et douloureuses à vivre que la solution préconisée a été l’éloignement dans le cadre d’un placement.
Souvent, l’image médiatique fait surtout état de l’accueil de jeunes délinquants. Dans mon foyer, la MECS Le Pourquoi Pas, j’ai découvert que c’était tout autre. Bien sûr il y a une proportion de jeunes qui passent à l’acte, qui font des embrouilles mais la majorité de ceux qui y vivent ne sont pas délinquants. Ce sont des jeunes comme moi. En arrivant un collectif de quatorze jeunes, je pensais ne pas pouvoir m’intégrer. J’étais inquiet, j’avais subi du harcèlement scolaire pendant longtemps et je craignais qu’il se produise. Je n’avais plus confiance en les autres, ni en moi. Mais cela n’a pas été le cas, j’ai été bien accueilli tant par les jeunes que par les adultes.
Bien sûr, vivre en collectivité génère des hauts et des bas, nous ne pouvons pas nous entendre avec tout le monde mais cela développe aussi des ressources : l’apprentissage de la tolérance, de la compassion et de solidarité entre jeunes car après tout nous sommes tous là, un peu dans la même galère avec nos soucis. Quand il y a des coups de gueule, on se dit : «  tiens il n’est pas bien aujourd’hui, y a un trop plein mais demain cela ira mieux. Aujourd’hui c’est lui demain cela en sera un autre ou moi   ». Nous vivons avec les hauts et les bas émotionnels de chacun et nous finissons par les accepter. Nous ne pouvons pas nous entendre ni aimer tout le monde, mais j’ai vraiment créé des liens privilégiés avec certains jeunes qui sont devenus des amis et les éducateurs comme des membres de ma famille, de ma deuxième famille.
Peu avant la date du confinement, je vivais sur le collectif, j’ai intégré un appartement géré par la MECS Le Pourquoi Pas pour expérimenter la vie en logement autonome. Par l’annonce que chacun devait rester chez soi, de façon un peu brutale, j’ai alors fait l’expérience de la solitude mais grâce à la présence des éducateurs pas celle de l’isolement.
Merci aux éducateurs d’être venus très régulièrement me rendre visite, d’avoir continué leur service en pleine pandémie de Covid-19, d’avoir été là pour tous les jeunes, malgré les circonstances dangereuses.
Pour certains jeunes, être placé dans un foyer est honteux. Ils craignent d’être considérés comme des délinquants ou des «  cassos  ».
Je n’ai pas honte de ce placement, je ne suis ni un délinquant, ni un «  cassos  », je suis un adolescent qui avait juste besoin d’être aidé pour être et devenir.
Alors Merci aux éducateurs de m’avoir fait grandir, d’être comme ma deuxième famille.
Merci d’avoir médiatisé les relations entre ma mère et moi, nos relations sont devenues meilleures et de m’avoir aidé à renouer les liens avec mon père.
Merci d’être disponible, à l’écoute lorsque j’ai besoin de parler de sujets que je n’aborderais jamais avec ma mère.
Merci d’avoir pris soin de moi cela m’a permis de me reconstruire, de ne plus être dans un statut de victime et d’avoir confiance en moi.
Merci de vous être fâché, me montrant votre inquiétude et intérêt.
Merci de m’avoir soutenu, rassuré dans mes choix.
Merci de m’avoir donné quelques ficelles pour aborder les filles.
Merci de m’avoir aidé à trouver les mots pour dire mes tensions, mes doutes, mes joies.
Merci de m’avoir appris à m’aimer et à m’accepter tel que je suis.
J’ai 18 ans, je ne peux oublier d’où je viens, par où je suis passé, avec votre aide je sais un peu mieux où je vais.
Merci…