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🖋 Autoportrait de travailleur social âą Marie Aubertin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e dans le Bas-Rhin, actuellement bĂ©nĂ©vole aux Restaurants du cĆur et dans une association d’aide aux victimes pour la mĂ©diation, et autrice (1)
« Les projets amĂšnent de la vie, de la confiance en soi, un plaisir partagĂ©. Ils sont des outils comme support Ă la relation »
Quels mots associez-vous spontanément au travail social ?
Accueil, rencontres, projets pĂ©dagogiques communs, support Ă la relation, crĂ©er du lien, travail dans lâurgence, partage, humanitĂ©.
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Je pense que cela provient de ma famille, par transmission de ses valeurs. Mes parents militaient dans des associations populaires et pour des bonnes causes. Petite, je rĂȘvais de devenir avocate mais quand jâai su quâon ne dĂ©fendait pas seulement les innocents, jâai vite changĂ© dâavis. Je voulais travailler avec lâhumain. Enfant, je ne supportais pas lâinjustice Ă lâĂ©cole et je dĂ©fendais tous mes camarades de classe. Ă lâadolescence, je me suis vite aperçue que je voulais exercer un mĂ©tier en rapport avec les relations humaines et tout naturellement, je me suis tournĂ©e vers le mĂ©tier dâĂ©ducateur.
Quelles formations avez-vous suivies ?
LycĂ©enne en carriĂšres sanitaires et sociales, jâai tout dâabord dĂ©crochĂ© le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA). Jâai rapidement rejoint le monde professionnel en intervenant dans un quartier de Strasbourg. Cette expĂ©rience mâa convaincue que jâĂ©tais faite pour cela. Jâai obtenu un Brevet d’Ătat dâanimateur technicien de l’Ă©ducation populaire et de la jeunesse (BEATEP). Cette orientation mâa permis dâacquĂ©rir un grand nombre de compĂ©tences et de me forger une belle expĂ©rience. Jâai appris Ă crĂ©er, partager, faire vivre des projets culturels Ă©ducatifs avec diffĂ©rents publics. C’Ă©tait une richesse de pouvoir le faire.
Ensuite jâai testĂ© le champ de lâinsertion par lâĂ©conomique et suivi la formation de Conseil en insertion par lâĂ©conomique. Je suis donc retournĂ©e Ă lâUniversitĂ©. Jâai alors pu travailler avec des personnes en situation de handicap physique. Jâai gĂ©rĂ© des groupes en leur apportant tout mon soutien. Ensuite, jâai travaillĂ© dix ans en institut thĂ©rapeutique, Ă©ducatif et pĂ©dagogique (ITEP), dans une trĂšs bonne structure. Jâai perfectionnĂ© mon rĂŽle dâĂ©ducatrice et dĂ©veloppĂ© toutes mes compĂ©tences en renforçant ma posture professionnelle. Devenue maman, jâai choisi le travail en week-end dans une autre institution. Je me suis alors dit : « Pourquoi pas la VAE ? ». Un an aprĂšs, jâobtenais le diplĂŽme dâĂ©ducatrice spĂ©cialisĂ©e. Toutes ces expĂ©riences mâont amenĂ©e vers la formation. Je suis devenue formatrice dans le mĂ©dico-social afin de partager ma vision et ma passion du mĂ©tier.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Il y en a plusieurs, impossible de tous les citer. Le meilleur : quand un jeune de lâITEP a obtenu son diplĂŽme de boulanger et mâa dit : « Merci Marie, câest grĂące Ă toi que jâen suis arrivĂ© lĂ . Tu mâas appris Ă devenir "Le GĂ©ant aux chaussettes fluos"â ». Pour la petite histoire, ce garçon plutĂŽt timide a assumĂ© le premier rĂŽle dans une piĂšce de thĂ©Ăątre, Ă©crite avec tous les enfants et jouĂ©e le jour de la grande kermesse annuelle avec plus de mille visiteurs. Ce jour-lĂ , sa maman m’a dit : « Merci, je ne reconnais plus mon fils. Dans le premier rĂŽle, il est trĂšs bon acteur, Ă lâaise sur la scĂšne, il a confiance en lui ». Ce jeune Ă©tait en garde chez la grand-mĂšre et la maman venait de renouer des liens.
Lâimportant, quand les jeunes nous remercient de les avoir aidĂ©s, est de leur dire : « Câest toi qui me fais un cadeau de te voir heureux et rĂ©ussir ». Je reste persuadĂ©e que les projets amĂšnent de la vie, de la confiance en soi, un plaisir partagĂ©. Ils sont des outils comme support Ă la relation. Ce jeune, je lâai recroisĂ© souvent Ă la Foire EuropĂ©enne de Strasbourg oĂč il confectionnait avec son patron, des milliers de pĂątisseries et pains par jour. Il mâoffrait des pĂątisseries pour les jeunes avec qui je travaillais. Il Ă©tait fier Ă son tour de pouvoir ĂȘtre un exemple pour les autres.
Le pire ?
Le plus difficile Ă vivre dans ces institutions est de travailler dans la non-rĂ©ponse et le manque de moyens humains. Parfois c’est vraiment rude. On a souvent l’impression de travailler dans lâurgence et quelquefois il y a des loupĂ©s, avec un sentiment de ne pas avoir accompli son travail comme on le souhaitait.
Le souvenir qui mâa le plus marquĂ©e est celui dâun gros « clash » un dimanche soir que nous nâavons pas pu gĂ©rer. Un dĂ©chaĂźnement de violences et dâimprĂ©vus lors dâun retour de jeunes Ă lâinstitution. Les dimanches soir sont souvent difficiles mais celui-lĂ , mâa marquĂ© car il y a eu violences sur des collĂšgues et moi-mĂȘme. Cela a pu finalement se rĂ©gler par la suite avec un rappel Ă la loi. CâĂ©tait Ă©prouvant mais ce fĂ»t aussi une opportunitĂ© de se remettre en question dans un systĂšme parfois dĂ©faillant. Malheureusement, pour des jeunes qui vivent des situations douloureuses en famille, il faut que cela puisse sortir en paroles. Parfois leur souffrance est telle que lâon reste dĂ©routĂ© et impuissant.
Quel est votre livre de chevet ?
Jâai rĂ©guliĂšrement plusieurs bibles sur ma table de nuit et en permanence Les 4 accords ToltĂšques (Ăd. Jouvence, 2008). Je suis souvent Ă la recherche dâune bonne communication. Don Miguel Ruiz est le chamane qui m’inspire durant toutes ces annĂ©es et dans la mĂ©diation actuellement. Ce livre nous apprend Ă ĂȘtre clair dans nos paroles et nos actes de la vie quotidienne. Dans lâurgence et les Ă©motions, nous devons ĂȘtre spartiate. Tout Ă©ducateur devrait livre ce livre. Il enseigne le mieux vivre et les codes de communication non violente.
(1) Parcours d’une Ă©ducatrice tout-terrain. Comment faire sa VAE ? (Ăd. BOD 2021).
Retrouvez les précédents autoportraits
🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Ăducateurs et dâun lieu de vie et dâaccueil
🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative
🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain
🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur
🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)
🖋 Sadek Deghima, chef de service dâun club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e
🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice
🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents
🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social
🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »
🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999
🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie
🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur
🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social
🖋 Ămilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante
🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison dâenfants Ă caractĂšre social dans le var
🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de lâenfance et consultant indĂ©pendant
🖋 StĂ©phanie Liatard, travailleuse sociale au QuĂ©bec, Canada
🖋 Audrenne Henke, directrice dâĂ©tablissement.
🖋 VĂ©ronique Escames, auxiliaire de puĂ©riculture en crĂšche municipale dans les Yvelines
🖋 Christophe Ferreira, cadre Ă©ducatif sur un secteur de pĂ©dopsychiatrie, dans les Hauts-de-Seine.
🖋 Flore Lempereur, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e, UnitĂ© des informations prĂ©occupantes, Nice