LâActualitĂ© de Lien Social RSS
🖋 Autoportrait de travailleur social âą VĂ©ronique Escames, auxiliaire de puĂ©riculture en crĂšche municipale dans les Yvelines
« Le 9 juillet, ma carriĂšre sâest arrĂȘtĂ©e. Parce que, Ă 54 ans, mon dos nâen peut plus. Et que, rien nâest prĂ©vu pour nous protĂ©ger, Ă part les postes amĂ©nagĂ©s⊠Alors câest lâinaptitude »
Quel mot associez-vous spontanément au travail social ?
Solidarité, indispensable, méconnu.
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Au dĂ©part, Ă 15 ans, je voulais devenir Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e. Je voulais aider les jeunes dĂ©linquants et/ou toxicomanes. AprĂšs mon BEP CarriĂšres sanitaires et sociales, option sociale, jâai dĂ» interrompre mes Ă©tudes une annĂ©e afin de subir une intervention.
Au bout de six mois, jâai pu reprendre une vie normale, et jâai alors cherchĂ© du travail.
Entre temps, jâavais passĂ© et rĂ©ussi le concours dâentrĂ©e Ă lâĂ©cole de moniteur- Ă©ducateur. On mâa proposĂ© un poste dâanimatrice dans un service pĂ©diatrique, un Travail dâutilitĂ© collective (TUC). Jâai dit oui. Et lĂ , je me suis retrouvĂ©e dans un service dâoncologie pĂ©diatrique⊠à 18 ans. Pendant six mois, jâai fait ce que jâai pu, avec mes moyens, avec ceux que lâon mâavait donnĂ©s⊠câest-Ă -dire, rien ou pas grand-chose. Jâai fait de magnifiques rencontres, surtout celle dâun petit garçon ĂągĂ© de 18 mois. Ses parents, vivant Ă lâĂ©tranger, ne pouvaient pas ĂȘtre auprĂšs de lui. Ce petit garçon, câest lui qui mâa donnĂ© envie de changer de voie et de mâinscrire Ă lâĂ©cole dâauxiliaire de puĂ©riculture.
Quelles formations avez-vous suivies ?
Tout dâabord un BEP CarriĂšres sanitaires et sociales, option sociale, puis lâĂcole dâauxiliaire de PuĂ©riculture et enfin - par correspondance - le BAC F8 (Ă lâĂ©poque BaccalaurĂ©at mĂ©dico-social) et un BTS Ăconomie sociale familiale.
Et, si je peux en ajouter une formation : jâai participĂ© Ă la naissance du Syndicat national des professionnels de la Petite enfance (SNPPE), merveilleuse idĂ©e de Cyrille Godefroy, surgie lors du confinement. Il sâagit du seul syndicat qui regroupe tous les professionnels de la Petite enfance.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Difficile dâen choisir unâŠ
Je travaillais en pĂ©diatrie. Un petit garçon refusait de sâalimenter. Et puis, un jour, jâarrive pour prendre mon service. Je passe dans sa chambre, il voit le paquet de gĂąteaux que jâavais Ă la main pour notre pause-cafĂ©/thĂ©. Il me le montre. AprĂšs un Ă©change de regards, je crois comprendre ce quâil me demande. Alors, je lui tends un gĂąteau. Il le prend et le mange⊠tout doucement. Ă partir de ce jour, ce petit garçon a recommencĂ© Ă sâalimenter petit Ă petit. Et nous, on a eu quelques gĂąteaux en moins, mais notre journĂ©e commençait trĂšs bien.
Et si je peux ajouter un excellent souvenir câest ma participation Ă la naissance du Syndicat national des professionnel.le.s de la Petite enfance (SNPPE), merveilleuse idĂ©e de Cyrille Godefroy, surgie lors du confinement. Il sâagit du seul syndicat qui regroupe tous les professionnels.le.s de la petite enfance.
Le pire ?
Un repas. Les enfants mangent. Je tourne le dos Ă la porte dâentrĂ©e de la crĂšche. Un petit garçon se lĂšve dâun seul coup. Je me retourne et je vois sa maman qui vient le chercher⊠car elle ne veut pas que lâaide sociale Ă lâenfance (ASE) le lui prenne. La directrice sort de son bureau suivie de son adjointe. Elles discutent avec la maman. LâASE arrive. Re discussions. La maman pleure, le petit garçon est dans ses bras. Il pleure aussi⊠et on me demande de le prendre.
Et le dernier : un coup de fil un vendredi soir. Ma collĂšgue me tend le tĂ©lĂ©phone car câest pour moi : une dame de la mairie mâinforme que je ne dois pas venir lundi, que mon dossier est passĂ© en commission et quâun avis dâinaptitude totale et dĂ©finitive est tombĂ©. Je mâĂ©croule en larmes dans le dortoir. Je pleure un bon coup. Je suis de fermeture, je dois retourner dans la cour oĂč, en ce jour ensoleillĂ©, les enfants jouent et leurs parents viennent les chercher. Avec deux collĂšgues, nous pleurons un bon coup. Je peux dire au revoir Ă quatre ou cinq enfants seulement, les autres sont dĂ©jĂ rentrĂ©s chez eux ou partis en vacances.
CâĂ©tait le 9 juillet. Ce jour-lĂ , ma carriĂšre dâauxiliaire de puĂ©riculture sâest arrĂȘtĂ©e. Parce que, Ă 54 ans, mon dos nâen peut plus. Et que, rien nâest prĂ©vu pour nous protĂ©ger, Ă part les postes amĂ©nagĂ©s⊠ne pas porter plus de 5 kg, donc plus de groupes de petits, et les autres collĂšgues qui doivent supporter nos restrictions, et donc sâuser un peu plus. Alors, câest lâinaptitude. Un accompagnement dans la fonction publique, mais uniquement matĂ©rielâŠ. Rien cĂŽtĂ© psychologique et moral.
Quel est votre livre de chevet ?
Enfance, lâĂ©tat dâurgence, collectif CPE-Enfance, Ăd. ErĂšs, 2021.
Lire la critique de Jacques Trémintin
Retrouvez les précédents autoportraits
🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Ăducateurs et dâun lieu de vie et dâaccueil
🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative
🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain
🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur
🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)
🖋 Sadek Deghima, chef de service dâun club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e
🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice
🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents
🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social
🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »
🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999
🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie
🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur
🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social
🖋 Ămilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante
🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison dâenfants Ă caractĂšre social dans le var
🖋 Xavier Bouchereau, chef de service en protection de lâenfance et consultant indĂ©pendant
🖋 StĂ©phanie Liatard, travailleuse sociale au QuĂ©bec, Canada
🖋 Audrenne Henke, directrice dâĂ©tablissement.
Vous ĂȘtes tentĂ©s par lâexercice dâautoportrait de travailleur social ? Vous souhaitez partager votre expĂ©rience ? NâhĂ©sitez Ă nous contacter Ă lâadresse suivante : katia.rouff@lien-social.com