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🖋 Autoportrait de travailleur social ‱ Xavier Bouchereau, chef de service en protection de l’enfance et consultant indĂ©pendant.

« Le travail social vise fondamentalement Ă  l’émancipation des personnes, quitte Ă  bousculer ce que nous pensons savoir sur notre mĂ©tier »



Quel mot associez-vous spontanĂ©ment au travail social ?

L’« Ă‰mancipation », parce qu’elle devrait animer toute action sociale auprĂšs des populations les plus fragiles (ou les plus fragilisĂ©es), ces populations oubliĂ©es que la sociĂ©tĂ© prĂ©fĂšre souvent ne pas entendre. L’émancipation c’est sortir de l’oubli, c’est oser une parole propre, ne plus subir, ne plus ĂȘtre rĂ©duit Ă  celle ou Ă  celui qui demande de l’aide. Le travail social vise fondamentalement cette Ă©mancipation des personnes, quitte Ă  bousculer ce que nous pensons savoir sur notre mĂ©tier. Il est impossible de penser notre travail sans les principaux intĂ©ressĂ©s, et sans identifier avec eux ce qui les entrave.


Pour quelles raisons avez-vous choisi votre mĂ©tier ?

Je dois bien l’admettre, j’ai dĂ©couvert le travail social un peu par hasard, au grĂ© des rencontres, Ă  un moment de ma vie oĂč, comme de nombreux jeunes, je me cherchais un peu, mais j’y suis restĂ© par conviction, parce qu’il me permettait de donner du sens Ă  ma vie professionnelle, en mettant mes engagements Ă  l’épreuve d’un mĂ©tier.


Quelle formation avez-vous suivie ?

J’ai commencĂ© par des Ă©tudes scientifiques, une licence de biologie, puis le diplĂŽme d’éducateur spĂ©cialisĂ© aprĂšs un service civil auprĂšs de personnes en situation de handicap, formation que j’ai ensuite complĂ©tĂ©e en cours d’emploi par un master I en psychologie par goĂ»t pour la clinique, un DU en gestion comptable et financiĂšre et enfin un master II en gestion des ressources humaines, par dĂ©sir de mieux comprendre la complexitĂ© des dynamiques organisationnelles.


Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?

Je garde beaucoup de beaux souvenirs, de magnifiques rencontres, c’est indubitablement la richesse de ce mĂ©tier, et c’est pourquoi il me passionne toujours autant. Mais si je devais n’en retenir qu’un, je dirais mes dĂ©buts en milieu ouvert dans une Ă©quipe de professionnels aussi enthousiastes que compĂ©tents. Ils m’ont beaucoup appris, professionnellement et personnellement. Nous avons beaucoup partagĂ©, beaucoup ri aussi, une ambiance de travail grĂące Ă  laquelle je me levais le matin avec plaisir, et qui nous permettait collectivement de supporter des situations parfois aussi complexes que dramatiques, comme la protection de l’enfance peut en rencontrer. Je ne crois pas qu’il soit envisageable d’apprĂ©hender ce travail seul, privĂ© du soutien d’une Ă©quipe.


Le pire ?

Le pire je le garde pour moi, ces moments laissent des traces, nĂ©cessairement, mais ils vous apprennent aussi beaucoup sur vous-mĂȘme.
Le moment, non pas le pire, mais le plus difficile que j’ai eu l’occasion de traverser fut certainement le placement d’un nourrisson que j’ai dĂ» rĂ©aliser accompagnĂ© de la Brigade de protection des mineurs. J’étais jeune, je dĂ©butais dans mes fonctions d’éducateur en milieu ouvert et j’en fus profondĂ©ment bouleversĂ©. J’en parle encore avec beaucoup d’émotion, mĂȘme si cette dĂ©cision Ă©tait lĂ©gitime et que nous avons probablement mis hors de danger cet enfant et Ă©vitĂ© le pire Ă  ses parents. Mais rien ne prĂ©pare Ă  de telles situations, et pourtant elles font partie du mĂ©tier, la protection de l’enfance est aussi faite de ces moments. Ça vous prend aux tripes, ça bouscule vos certitudes, malmĂšne vos compĂ©tences. Avec le temps, avec l’expĂ©rience aussi, on apprend Ă  y faire face, mais je crois qu’on ne peut pas, qu’on ne doit pas s’habituer, l’empathie reste une condition sine qua non de notre action.


Quel est votre livre de chevet ?

L’ordre du discours, de Michel Foucault (Éd. Gallimard, 1971), parce que la poĂ©sie de la langue sert une analyse philosophique qui m’éclaire encore aujourd’hui sur les paradoxes du social, sur ses rapports de pouvoir, ses parts obscures. Magnifique.


*Xavier Bouchereau est l’auteur de La posture Ă©ducative, Éd. ÉrĂšs, 2016.

Retrouvez les précédents autoportraits

🖋 Murielle A., Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en centre d’hĂ©bergement et de rĂ©insertion sociale (CHRS)

🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Éducateurs et d’un lieu de vie et d’accueil

🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative

🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes

🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain

🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur

🖋 Patrick Norynberg, formateur consultant en politique publique, cofondateur et prĂ©sident de la RĂ©gie de quartier du Blanc-Mesnil (Seine-Saint-Denis)

🖋 Émilie Philippe, Ă©ducatrice de jeunes enfants, membre du collectif Pas de bĂ©bĂ©s Ă  la consigne depuis sa crĂ©ation en 2009.

🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)

🖋 LĂ©a Turchi, assistante de service social, coordinatrice Ă  la mission interface au Samusocial de Paris

🖋 Sadek Deghima, chef de service d’un club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e

🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice

🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents

🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social

🖋 Driss Blal, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, chef de projet au cƓur d’un dispositif mis en place par un collectif d’habitants originaires du quartier populaire oĂč il a grandi Tarbes (Hautes-PyrĂ©nĂ©es)

🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »

🖋 Vince, l’éduc spĂ©cial, agitateur spĂ©cialisĂ©, dessinateur, chroniqueur, auteur, et accessoirement chef de service Ă©ducatif...

🖋 Julie (1), 33 ans, cheffe de service dans une structure accompagnant des mineurs isolĂ©s Ă©trangers

🖋 Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă  la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999

🖋 Charline Olivier, intervenante sociale en gendarmerie

🖋 Antonio ArgĂŒelles BalletbĂł, Ă©ducateur dans un centre rĂ©sidentiel d’action Ă©ducative (1) des Filles de la CharitĂ©, Fondation sociale Ă  Barcelone (Espagne)

🖋 Sylvie Kowalczuk assistante de service social en polyvalence, formatrice occasionnelle, auteur

🖋 FrĂ©dĂ©ric Maignan, formateur indĂ©pendant en travail social

🖋 Émilie Mocellin, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e indĂ©pendante

🖋 Vivien Laplane, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, auteur, confĂ©rencier, bloggeur, et accessoirement sourd appareillĂ© oralisant

🖋 Sophie Gaillard, secrĂ©taire mĂ©dico-sociale dans deux services d’éducation et de soins spĂ©cialisĂ©s Ă  domicile (Sessad) en rĂ©gion PACA

🖋 Jean-Marie Vauchez, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ© et formateur, membre du Haut conseil du travail social (HCTS)

🖋 Ingrid Romane, Ă©ducatrice en maison d’enfants Ă  caractĂšre social dans le var


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