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■ ACTU - Droits des étrangers : la préfecture des Bouches-du-Rhône assignée en justice
Demain, la Cimade Sud-Est, le Gisti, la Ligue des droits de l’homme, le Secours catholique et le collectif d’associations Coord’asso assignent la Préfecture des Bouches du Rhône en justice. Le tribunal administratif devra trancher sur l’entrave à l’accès au droits subie par les étrangers depuis la dématérialisation.
Tandis que l‘Europe devient forteresse, la France complexifie les voies d’obtention de titres sur son territoire. Avec la dématérialisation des guichets préfectoraux entamée en 2021, l’accueil physique est remplacé par des services informatiques.
Pas toujours accessibles, parfois mal conçus, souvent dysfonctionnants, ils entrainent des ruptures de droits, des pertes de revenus, des situations bloquées pendant des mois... En effet, pour de nombreuses personnes étrangères, les démarches administratives deviennent un casse tête qui rend impossible de déposer leur demande de titre de séjour., même pour des situations plein droit donc peu complexe.
L’Administration numérique des étrangers en France (ANEF) connait des bugs aux conséquences catastrophiques : perte d’emploi, impossibilité d’étudier, rupture de soin...
Depuis 2021, une vingtaine des requêtes ont été déposés, partout en France, contre les entraves que la dématérialisation pose à l’accès au droit des personnes étrangères. Le 3 juin 2022, le Conseil d’État a tranché : les préfectures doivent proposer un accès alternatif, non dématérialisé, au service public des étrangers.
IPrise de rendez-vous sur internet
Dans les Bouches-du-Rhône, la solution de substitution consiste à l’ouverture d’une borne numérique avec un médiateur, sur une plage horaire de 2h30, deux fois par semaine. « Ce point d’accès numériques ne répond pas aux besoins, constate Anne Revel de La Cimade. Les créneaux d’ouverture sont trop restreints et pour y accéder, c’est paradoxale, mais il faut s’inscrire sur internet. »
Si la préfecture affirme tenir à disposition du public des formulaires papiers, les associations déclarent les avoir cherchés en vain. Du coup, un changement d’adresse, des papiers volés, un titre de séjour bientôt à expiration... toutes les démarches doivent se faire par internet, faute de quoi l’étranger tombe dans l’illégalité. Ces difficultés peuvent conduire à se retrouver en situation irrégulière et surtout en rupture de droits : suspension du contrat de travail, des prestations familiales...
Ouverture d’un marché lucratif
« Des personnes se retrouvent sans papier après 30 ans de vie en France, témoigne la militante. Nous voyons débarquer dans nos permanences des profils jamais vus, des titulaires de cartes de séjours de 10 ans depuis très longtemps et qui jusqu’à présent étaient autonomes pour les renouvellement de leur titre. Depuis l’été, on est passé de 40 à 70 visites sur les permanences de La Cimade, toutes les permanences juridiques de Marseille dressent le même constat. »
Pour les étrangers qui ont des ressources et sollicitent l’accompagnement des associations, la situation finit par se débloquer. Pour les plus isolés, ça soulève la question du non-recours. « Nous craignons aussi de voir se développer un marché, ajoute Anne Revel. Des officines d’écrivains publics, plus ou moins tarifé, qui vont faire payer les gens pour accéder à un service public gratuit. »
Demain, la première requête suite à la décision du Conseil d’État va donc être posé, pour que le tribunal administratif impose une réelle solution de substitution. À l’occasion, un rassemblement est prévu à 12h devant la Préfecture à Marseille, ce mercredi 29 mars.
Myriam Léon
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