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■ ACTU - Le RSA sous condition
Vue par le gouvernement comme une clef dans sa quête du plein-emploi, la réforme du RSA se précise. Pour les allocataires, l’accompagnement sera renforcé, ainsi que les obligations.
La droite en rêvait, Emmanuel Macron le fait. Le chef de l’État veut conditionner le versement du revenu de solidarité active (RSA) à la réalisation de plusieurs heures hebdomadaires de formation, de bénévolat ou de stage en entreprise.
Lundi 12 septembre, lors de la présentation de la feuille de route gouvernementale pour atteindre le « plein-emploi, le ministre du travail, Olivier Dussopt a évoqué cette réforme parmi les huit « chantiers prioritaires ». Le gouvernement entend « affirmer [le RSA] comme un droit qui s’apprécie dans le cadre d’un engagement réciproque et qui garantit comme priorité l’accompagnement d’un projet professionnel hebdomadaire, personnalisé et intensif ».
Une logique de droits et de devoirs
Une annonce qui ne surprend guère, car le Président avait annoncé la couleur lors de son interview du 14 juillet, pour lui le RSA « c’est un contrat. Et dans un contrat chacun fait sa partie. Souvent les pouvoirs publics n’ont pas fait leur partie, et les bénéficiaires non plus ».
Le versement sous condition devrait être expérimenter dans une dizaine de départements à partir de cet automne, pendant douze mois, avant, d’après Les Echos (1), une généralisation prévue à l’ensemble du territoire pour 2024. Déjà, les candidats à l’expérimentation ne manquent pas : l’Ardèche, la Somme, la Seine-Maritime, l’Essonne, la Creuse, les Bouches-du-Rhône. Ils devraient garder une marge de liberté pour déterminer les allocataires concernés et fixer le nombre d’heures hebdomadaires et les sanctions en cas de non-respect.
« Stigmatiser encore plus les pauvres »
Les associations d’aide aux personnes en précarité sont, elles, vent debout. La présidente d’ATD Quart-Monde, Marie-Aleth Grard fulmine : « 15 à 20 heures de bénévolat par semaine, on appelle ça un contrat de travail. C’est d’une indécence totale ». Elle y voit « une manière de stigmatiser encore les plus pauvres et de dévoyer le bénévolat, qui doit rester à la liberté de chacun ».
En mars 2021, la France comptait 2 millions d’allocataires du RSA, 30% des personnes éligibles ne solliciteraient pas ce droit.©ArnoD27/Wikimedia Commons
Pour Damien Delahaye, directeur général de Lahso, association d’aide à la réinsertion à Lyon,« imposer une activité ne répond pas du tout à l’enjeu de l’insertion des bénéficiaires du RSA et traduit une méconnaissance des publics ».
Le véritable enjeu se situe, pour les associations, sur l’autre versant de la réforme : renforcer l’accompagnement des allocataires. Car, du gouvernement aux acteurs de terrain, le constat est unanime, le système actuel dysfonctionne.
« Aujourd’hui, les professionnels sont plus dans le contrôle que dans l’accompagnement. Il faut que ça change », s’indigne Marie-Aleth Grard. Damien Delahaye plaide lui aussi pour un « changement de paradigme » : « il faut un accompagnement qui soit centré sur les besoins et les envies de la personne, car ça ne fonctionne pas de forcer et vouloir faire entrer les gens dans des cases ». En même temps, histoire d’exaucer aussi un rêve de gauche, le gouvernement lance une autre expérimentation : les « territoires zéro non-recours ».
Thomas Sévignon
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