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■ ACTU - Mineurs isolés étrangers • Errance inédite dans Paris

Depuis fin 2016, une trentaine de mineurs isolés étrangers, en majorité marocains, vivent dans un square à la Goutte d’Or à Paris. Polytoxicomanes, parfois victimes de réseaux, rétifs à l’accompagnement par la Protection de l’enfance, ce public nouveau déroute. Pour les aider au mieux, le sociologue Olivier Peyroux préconise un partenariat entre travailleurs sociaux, soins, services d’enquête et justice.
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Dans le square Alain Bashung, quartier de la Goutte d’Or à Paris, vivent une trentaine de mineurs isolés étrangers âgés de 9 à 17 ans et quelques très jeunes majeurs, en majorité des garçons. Les premiers arrivés fin 2016, venaient tous du Maroc. Aujourd’hui, la plupart sont partis dans d’autres villes, remplacés par d’autres auxquels se sont rajoutés des Algériens et quelques Tunisiens.
Installés dans un quartier inscrit dans le dispositif Politique de la ville, ces mineurs constituent un public nouveau : en errance, très mobile, difficile à accrocher par les travailleurs sociaux. Cumulant les problématiques (délinquance, violences, polytoxicomanies), il relève à la fois de la Protection de l’enfance, de la police et de la justice mais refuse bien souvent les solutions que proposent les travailleurs sociaux.

Trajectoires douloureuses

Les jeunes marocains ont fui des situations familiales compliquées. Les parents ont quitté la campagne pour travailler dix heures d’affilée dans une grande ville. Livrés à eux-mêmes – les grands-parents sont restés au village -, déscolarisés, consommateurs de haschich, ces jeunes sont mal considérés. D’autres, nés hors mariage ou mis à la rue par leur beau-père après le remariage de leur mère, sont rejetés. En migrant vers l’Europe - Espagne, Suède, France -, ils espèrent passer du statut de « looser » à celui de « winner ». Par besoin de reconnaissance, ils postent d’ailleurs chaque jour des selfies avec des vêtements siglés ou des liasses de billets dans la main.
Les jeunes algériens ont des profils plus variés : beaucoup migrent en France faute de perspectives professionnelles et personnelles dans leur pays. Si certains arrivent à s’en sortir en rejoignant des membres de leur famille, d’autres restent seuls – ceux que l’on retrouve dans le square de la Goutte d’Or ou dans d’autres villes – et sont parfois victimes de réseaux de compatriotes qui les forcent à commettre des actes de délinquance.
La situation par rapport aux habitants, aux commerçants et aux autres jeunes du quartier est difficile compte-tenu du comportement menaçant de ces mineurs et des délits qu’ils commettent. Des affrontements réguliers peuvent dégénérer en rixe d’autant plus facilement que les produits consommés quotidiennement les désinhibent. « Il y a eu un pic de tension en 2018, apaisé depuis mais la situation reste compliquée car source d’insécurité, observe Olivier Peyroux, sociologue à Trajectoires, une association chargée d’un rapport sur la question en 2018 par la ville (1). Ces mineurs relèvent de la protection de l’enfance mais les professionnels peinent à les accrocher en raison de leurs addictions et de la présence de réseaux qui les utilisent »

Partenariat indispensable

Fin 2017, la mairie / département de Paris a confié leur accompagnement aux équipes de prévention du Centre action sociale protestant (Casp) pour assurer une maraude quotidienne, les repas, l’accueil de nuit et inciter les enfants et les ados à aller vers les dispositifs de Protection de l’enfance.
Aujourd’hui, malgré une prise en charge plus importante, ces mineurs isolés étrangers – aujourd’hui appelés mineurs non accompagnés – sont toujours là.
Pour Trajectoires, « un travail commun entre les services de protection de l’enfance, le soin et les services d’enquête s’impose, le seul volet éducatif ou répressif ne suffit pas. Le jeune doit être protégé des réseaux et accompagné par des éducateurs. » Une option choisie par la Suède, confrontée à ces situations dès 2012. Des équipes de travailleurs sociaux et de policiers maraudent ensemble. Une solution efficace pour aider les jeunes à s’en sortir. Olivier Peyroux appelle aussi à une désectorisation de leur suivi éducatif. Aujourd’hui, ce suivi peut démarrer à Paris, durer trois mois avant de s’arrêter quand le jeune part vivre dans une autre ville. « Un maillage territorial pourrait éviter ces situations ». Autre solution adoptée par les travailleurs sociaux : aider les jeunes qui sont passés par un autre pays et ont accroché avec un éducateur, à le rejoindre pour entrer en foyer ou en famille d’accueil. Le retour dans les familles d’origine est beaucoup plus délicat, celles-ci n’ayant pas toujours envie que leur enfant revienne.
« Ces mineurs viennent interroger les pratiques du travail social : la protection de l’enfance doit s’adapter à eux. Il s’agit d’un phénomène relativement récent qui nécessite d’abattre les cloisons de la sectorisation et à penser des dispositifs pluri-acteurs  », conclut Olivier Peyroux.

(1) Disponible à cette adresse.
Olivier Peyroux vient de publier Les fantômes de l’Europe, les migrants face aux politiques migratoires (Éd. Non Lieu)

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À lire Une tentative d’expulsion ratée, un article de Myriam Léon paru dans Lien Social 1239 en 2018 :
lire l’article

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À écouter :
La Goutte d’Or face aux mineurs isolés, épisode 1 de la série Les villes transformées par l’exil : mes voisins migrants, France Culture, 2018.