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■ ACTU - Mineurs non accompagnés • Une santé mentale fragilisée

Les conditions d’accueil des jeunes exilés en France génèrent des troubles en santé mentale. On s’en doutait, mais un rapport de Médecins sans frontières et le Comede (Comité pour la santé des exilés), publié le 9 novembre, documente désormais cette intuition. Depuis décembre 2017, les deux organisations non gouvernementales apportent leur soutien « aux vulnérables parmi les vulnérables », les mineurs isolés déboutés de leur minorité par les évaluateurs du département. Lorsqu’ils font appel de cette décision, l’instruction du dossier dure entre deux mois et deux ans. Pendant cette période, ni mineurs, ni majeurs, ils ne bénéficient d’aucune prise en charge des pouvoirs publics. Les humanitaires ont donc ouvert un centre d’accueil de jour en Seine-Saint-Denis où une équipe pluridisciplinaire les accompagne dans leurs parcours de soins somatiques et psychologiques comme dans leurs démarches administratives et juridiques.

Ruptures, violences et exclusion

Après plus de trois ans de consultations psychologiques, le rapport « La santé mentale des mineurs non accompagnés » dresse le bilan des « effets des ruptures, de la violence et de l’exclusion ». Sur les 2359 jeunes inclus dans le centre, 757 ont bénéficié d’au moins une consultation avec un psychologue et 395 ont entamé un suivi. Ces derniers souffrent de trois formes de troubles psychiques : réactions liées à la précarité (50%), syndromes psycho-traumatiques (37%), dépressions (12%). Plus de la moitié des jeunes vivent dans la rue lorsqu’ils débutent le suivi auprès des psychologues. Or ce ne sont pas des enfants des rues : seuls 5% d’entre eux l’étaient dans leur pays d’origine. Ils doivent donc mobiliser d’importantes ressources psychiques pour mettre en place des systèmes de survie jusqu’alors méconnus. Ils entrent dans une logique de survie qui « colonise » leur être et modifie leur rapport à eux-mêmes. Leur vie psychique reste monopolisée par la quête quotidienne d’un endroit où dormir, manger, se laver…

Amnésies traumatiques

Avant de vivre l’abandon de l’État français, 17% de ces jeunes ont fui une zone de guerre, 36% ont été témoin d’actes de violence pendant leur parcours migratoire, 10% ont perdu un proche sur la route et 72% ont traversé la Méditerranée sur une embarcation de fortune. Parmi eux, un sur quatre a survécu à un naufrage. Pour ces jeunes atteints de troubles psychiques, le récit de soi et des événements constitue une épreuve parfois insurmontable (amnésies traumatiques, peur de l’effondrement, temporalité altérée…). Il en découle que leurs récits manquent de cohérence et qu’ils se voient déboutés de leur minorité lors d’évaluations menées à charge. Dès lors, l’instabilité de l’hébergement provisoire, l’absence totale de ressources financières, les difficultés d’accès à l’apprentissage et la solitude aggravent leur état psychique. Leur statut administratif, l’absence de tuteur légal, d’adresse de domiciliation et de couverture santé, les privent de la possibilité d’être soigner en dehors des urgences. Quand malgré tout, des structures acceptent de les recevoir, elles ignorent comment recourir à des interprètes professionnels, une obligation pourtant inscrite dans la loi, et se faire rembourser de ces frais.

Accès au droit commun

Les troubles liés à la précarité disparaissent en général dès que la situation s’améliore. Pour permettre cette rémission et éviter que les souffrances psychiques s’enkystent, MSF et le Comede recommandent la création de lieux de soins dédiés à la jeunesse (12-25 ans), non sectorisés, dont l’accès n’est pas conditionné au statut administratif ou au lieu de résidence, et pensés autour d’une prise en charge pluridisciplinaire. Alors qu’actuellement, ces jeunes dépendent entièrement des ONG, des réseaux militants et de l’entraide entre pairs, les humanitaires plaident pour une prise en charge au sein du dispositif de droit commun, comme l’impose la Convention internationale des droits de l’enfant dont la France et signataire.

Myriam Léon

Voir aussi :

Lien Social n°1293 : Mineurs non accompagnés déboutés de l’enfance