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■ ACTU - Protection de l’enfance. Maltraitance politique
M. avait 15 ans. Il venait d’Algérie. Le 28 septembre, il a sauté du toit de son foyer à Montfermeil. Ce jeune mineur isolé étranger était en grande souffrance psychiatrique ; un suivi hospitalier était prévu mais l’attestation CMU était demandée pour entamer les soins. La veille de son suicide, la cellule d’accompagnement des mineurs non accompagnés (CAMNA) de Bobigny avait appelé le foyer pour l’informer de l’arrivée de cette fameuse attestation...
La nouvelle de la mort du jeune garçon a sidéré une équipe déjà très mal en point. Elle a d’abord pensé exercer son droit de retrait. « Mais on nous a dit qu’il n’y avait pas de danger grave et imminent » explique une des éducatrices spécialisées (toutes ont souhaité gardé l’anonymat). « Or, à nos yeux, lorsque nous voyons arriver des jeunes qui sont dans une détresse totale, qui nous disent qu’ils pensent passer à l’acte, je pense qu’il y a danger grave et imminent ». Le 2 octobre, l’équipe entière a saisi la médecine du travail qui a ordonné un arrêt en prévention de risque psycho-sociaux. La CAMNA, soutenue par une large intersyndicale, a ensuite déposé un préavis de grève qu’elle entame aujourd’hui jusqu’à la fin de la semaine.
Maltraitant
Cette cellule d’accompagnement s’est ouverte en septembre 2018 avec une équipe de 10 travailleurs sociaux pour une capacité d’accueil de 300 mineurs pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance. « Dès le mois de décembre, nous avions 500 jeunes à charge pour 8 travailleurs sociaux » témoigne une éducatrice. Puis, au mois de mars, après une série d’arrêts maladies et de départs, quatre travailleurs sociaux restaient en poste pour 800 mineurs… Face à cette situation intenable, la CAMNA engage sa première grève du 23 au 26 avril 2019. Et semble être entendu : ils reçoivent le renfort de postes éducatifs, un poste d’infirmière et un poste de psychologue, au total 12 postes fixes et deux postes de remplacement.
Pourtant, six mois plus tard, la coupe déborde : « Aujourd’hui, nous « suivons » 1150 jeunes et sommes toujours 10 travailleurs sociaux, les autres postes restent vacants car le département a beaucoup de mal à recruter… » explique une éducatrice. Chacune « s’occupe » de 80 à plus de 100 enfants… insupportable. « Dans ces conditions, impossible de faire de la protection de l’enfance. Nous devenons même maltraitant avec ces jeunes. Ils sont dans des hôtels insalubres, remplis de punaises de lit, nous sommes en retard d’une semaine à un mois dans le versement des allocations (300 euros par mois) pour qu’ils puissent manger, cela entraîne de l’agressivité de leur part, mais c’est normal ! » s’emporte une éducatrice.
Par cette nouvelle grève, la CAMNA interpelle l’Etat, les élus, le département, pour trouver des réponses à cette situation « explosive ».