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■ ACTU - Ségur, prime à la mobilisation
« Ce qui est bien avec le Ségur, c’est que le gouvernement l’applique avec une telle maladresse que ça mobilise à fond le monde du social, constate une militante du collectif marseillais Le social brûle. À chaque manif, on voit défiler des personnes qui ne s’étaient jamais mobilisées jusqu’à présent. » Ce 31 mai au matin, plusieurs centaines de salariées (au vu de la majorité de femmes cet article sera au féminin) répondent au rendez-vous du travail social en colère devant la Préfecture des Bouches-du-Rhône à Marseille.
Venue en force la Direction des maisons de l’enfance et de la famille (Dimef) entend donner de la voix pour soutenir les maitresses de maison, les cuisinières, les surveillants de nuit et le personnel administratif toujours exclus de Ségur. « On a travaillé pendant tous les confinements, mais il n’y a que les éducateurs qui ont été pris en compte pour la prime, c’est une tentative de diviser les salariés entre eux », s’insurge Sonia Liguori-Munoz, délégué du personnel CGT. Échec total, chef de service, éducatrices, secrétaires, maitresses de maison et gardiens de nuit se retrouvent ensemble dans la rue. « Tu me fais une photo avec ma pancarte, sinon mon fils ne croira jamais que j’ai manifesté. » S’en suit une séance avec toute l’équipe.
Ignorées du travail social, les professeures spécialisées se sont jointes au cortège. Détentrices du certificat d’aptitude à l’enseignement général des aveugles et des déficients visuels (CAEGADV), elles exercent dans des établissements médico-sociaux, mais échappent complètement au Ségur. « C’est totalement injustifié, mais notre mobilisation porte sur des problèmes beaucoup plus larges, explique Sandra. On n’en a marre de subir une politique gestionnaire qui ne pense qu’à l’aspect financier sans se soucier du bien-être des jeunes et des familles. Au lieu de tirer vers le haut, cette gestion tire tout le monde vers le bas. D’ailleurs, nous sommes actuellement en convention 66 et nous craignons de basculer dans la 51 de la fonction hospitalière. »
« Le chantage à la prime Ségur » conduit également à une première à Solidarité Femmes 13 : l’accueil marseillais est exceptionnellement fermé. « C’est un temps important pour le social, on n’a jamais eu autant de personnes en grève, constate Camille, conseillère conjugale et familiale chargée de l’accompagnement social global des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Je fais le travail mais je n’ai pas le diplôme donc je ne suis pas concernée par la prime. Mais je suis là pour contester la dégradation générale de la politique sociale. » Un peu plus loi, la directrice de la structure départementale se trouve aux côtés de ses salariées. « Je les soutiens parce qu’en l’état, la prime Ségur est discriminante, explique Sophie Piorot. Certaines ne la touchent pas alors que toutes font le même travail. Ça nous met dans une position très difficile à tenir en tant que direction. Nous avons d’ailleurs décidé de payer deux heures sur le temps de grève débrayées. Nous revendiquons aussi une revalorisation globale du travail social. »
Plus loin, un représentant CGT de la Sauvegarde 13 annonce que le directeur général souhaite recevoir une délégation de salariés pour faire remonter leurs revendications à la Nexem, organisation patronale qui négocie la convention collective unique. « C’est une bonne chose, après la préfecture donc l’État qui nous a déjà reçu deux fois, notre direction, apprécie Myriam Machy, assistante médico psychologique, déléguée CGT. Depuis deux ans, on se bat pour une augmentation, pas pour prime temporaire conditionnée à un financement et au démantèlement de la convention 66. »
Sous sa pancarte « Allez vous faire éduquer » d’un côté et « Bac + 3 payé bac - 8 », Julien manifeste son mécontentement face aux « salaires gelés depuis vingt ans et une prime conditionnée à une remise en question des acquis sociaux, comme les congés trimestriels, loin d’être volés. On devrait plutôt obtenir des primes de risques, quand on intervient dans des familles aux multiples problématiques ». Éducateur spécialisé en protection de l’enfance, il suit les jeunes à domicile et s’insurge également contre des « directives managériales du département et de l’État maltraitantes ». « Nous sommes en sous effectif depuis trois ans et demi, mais notre structure augmente le nombre de prises en charge, à la base on avait six suivis par éducateurs, maintenant c’est en théorie huit, mais en réalité douze voire quinze. »
Même constat chez Économie sociale et familiale services, l’équipe de CESF est venue accompagnée de sa directrice. Avec un poste vacant depuis février, elles doivent compenser. « Nous sommes là, pour dénoncer le manque de moyen humains, les financements n’ont pas augmenté depuis vingt ans, décrit Clara, chargée de suivi RSA. Chaque référent RSA accompagne 150 personnes, mes collègues chargées de l’accès au logement suivent 180 personnes pour un temps plein et demi. » Si les structures diffèrent les problèmes se ressemblent et, désormais, le secteur du social ne culpabilise plus quand il occupe la rue, il sait que le combat concerne avant tout les personnes accompagnées.
Myriam Léon