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Alain Touraine vient de mourir à l’âge respectable de 98 ans. Pour beaucoup des éducateurs de ma génération, il a été le passeur de savoirs, à la fois sociologue chercheur mais aussi vulgarisateur au sens le plus noble du terme. Il a été d’abord un défricheur d’idées engagé au côté du monde ouvrier, il a écrit sur le Travail, l’industrie, l’exploitation des hommes en France puis aux USA et en Amérique du Sud qui est restée une de ses passions et un de ses grands terrains d’étude. Bien sûr il sera compagnon de route des mouvements étudiants et ouvriers de 68 au côté de Geismar ou Cohn-Bendit. Dès lors ses recherches s’orientent vers une analyse des changements et des évolutions d’une société industrielle à travers les activités des membres qui la composent, sans cesse en mouvement et en renouvellement. Les mouvements sociaux prenant alors une importance primordiale dans cette évolution. À travers de nombreux ouvrages, Touraine montre les liens qui unissent des mouvements étudiants, féministes, ouvriers ou régionalistes, il est un intellectuel engagé et prend toujours position lors des conflits ou des évènements politiques. On le retrouve à côté de Coluche, des militants Polonais contre l’URSS, et même en soutien d’Alain Juppé, ce qui en surprendra beaucoup.
Personnellement, je me souviens de ses déclarations pleines d’humanité et de bon sens lors de l’affaire dite « des foulards » où des gamines de Creil avaient failli être expulsées du collège. Alain Touraine était une sorte de vigie intellectuelle pour ceux qui avaient envie de mieux comprendre le monde en changement. Je pense sincèrement qu’on peut le lire encore longtemps.

Etienne Liebig