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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • « C’est pas mes affaires ! »
Alors, c’est l’affaire de qui ? C’est vrai, quoi ! Quelque part en France, dans une école de cirque, la porte s’ouvre et j’entends une drôle de phrase, qui n’a pas besoin de son contexte pour m’écorcher les oreilles. Des petits mômes de cinq ans sont en train de rejoindre les vestiaires, et un homme de plus de cinquante ans, qui suinte l’ennui dès le premier instant, s’adresse à l’un d’entre eux, en disant « C’est pas mes affaires ! » – Quel langage ! Exaspérée, je me surprends à penser que d’abord, on dit : Ce ne sont pas mes affaires. – Je vois mon petit Léo, les yeux rivés vers le sol, avec sa mine des mauvais jours, et je me demande ce qui peut ne pas être « l’affaire » d’un adulte, quand un enfant tente d’expliquer son point de vue ! Ça ne peut être que son affaire ! À qui peut s’arrimer l’enfant pour être à l’abri quand il est loin de sa mère, de sa grand-mère ou de l’instit rencontré en début d’année ? Ben, à l’adulte à qui il a été confié ! Moi, j’ai adoré que des gamins s’accrochent à mon regard et se sentent tranquilles. C’était réjouissant d’être choisie et je mettais le paquet en retour pour que ces petits bouts cabossés n’aient plus cette grosse boule dans le ventre, qui les encombrait, quand les parents les déposaient dans l’institution. Plus tard, je les regardais de loin, se débrouiller sans moi. Pour ça, il faut pouvoir « s’accorder » et le désir de s’accorder, ça ne peut venir que de l’adulte, c’est son job ! Mais là, quelque chose sonne faux, quelqu’un n’est pas à sa place. C’est ça qui m’a choquée en arrivant. Je suis repartie avec mes deux loulous qui scandaient des phrases terribles. Léo ronchonnait : « Il est méchant, il ne m’écoute pas, il a dit que je faisais « l’andouille » sur le banc, mais non, c’est pas vrai », et son frère renchérissait : « Il a raison Léo, c’est pas juste, c’est moi qui l’ai poussé, c’est pas lui qui doit être grondé ! ». Face à la défaillance d’un adulte, les frères se sont serrés les coudes ! C’est sûr, ça déroute quand un grand déraille. Même ces gosses, qui d’habitude sont en rivalité, se sont rapprochés pour supporter le choc et se rassurer autour de leur sentiment commun. Ce n’est, hélas, pas la seule phrase malheureuse entendue dans les murs de cette école ! « Bouge-toi la cacahuète ! », quelques semaines plus tard ! Mais comment employer un tel vocabulaire ? Au-delà de la vulgarité, il y a la question des valeurs que nous portons, nous, les adultes et que nous transmettons. Comment le respect va trouver sa place, si nous ne montrons pas l’exemple ? Nous ne faisons que passer, non ? Michel Bouquet, que je croyais éternel, n’est plus. Alors, après ? Quelles traces pour la relève ? Ça sert à quoi de se donner tant de mal, si tout disparaît avec nous ? Mince, alors ! Encore un abruti qui gâche le boulot des autres et qui m’empêche de penser au monde enchanté de demain, celui qui continuera de tourner sans moi, avec une petite idée des valeurs auxquelles je crois, envers et contre tout ; surtout contre, d’ailleurs, les hommes ou les femmes qui s’embourbent dans des liens qu’ils sont incapables de tisser par manque de jugeote, de désir et de plaisir au travail. À bas les prédateurs psychiques !