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► C’est quoi le problème ? Par Mélodie • Je me souviens
Il y a de nombreuses années, quand ma fille partait chez son père le week-end, il fallait toujours que la séparation se passe mal. J’étais à l’origine du clash entre nous. N’importe quel prétexte était bon pour soulager ma tension interne. C’est tellement mystérieux ces liens qui pilotent notre relation à l’autre ! On ne sait pas toujours ce qui prend le dessus et nous embarque à mille lieues du bon sens ! Une sorte de mise en scène qui parle souvent d’autre chose ! Elle était trop petite pour décoder la complexité d’une situation qui n’était pas de son fait. Elle devait faire son sac une énième fois, parce que ses parents ne s’entendaient plus ! Elle rêvait sans doute que nous nous rabibochions pour se délester d’une culpabilité qui l’encombrait.
Des sentiments multiples et contradictoires se bousculaient en moi et elle en faisait les frais. Quel vieux fantôme m’animait pour saborder ce moment fragile, alors qu’il suffisait d’un soupçon de jugeote pour envelopper mon enfant de tendresse ? Est-ce que je pensais avoir moins mal en la voyant partir ? Même pas ! C’était encore pire quand la porte se refermait, je retournais la colère contre moi, me sentais nulle et me jurais que c’était la dernière fois que mes angoisses me feraient perdre pied ; le prochain week-end, promis, j’assurerai. La séparation se passerait en douceur, mes mots parleraient de mon amour ; ma fille s’éloignerait de moi sans transbahuter un fardeau qui n’était pas le sien. Quelquefois je réussissais...
Le plus terrible, c’était de constater qu’au boulot je réfléchissais au meilleur accompagnement possible pour éviter qu’aux blessures ne se greffent des ruptures ; les petits gosses cabossés et les familles démunies avaient d’autres chats à fouetter sans que je rajoute une oreille sourde à leurs déboires. En faisant un zoom arrière aujourd’hui, je vois bien que j’étais chaperonnée par mes affects d’un côté et animée par une pensée créative de l’autre. C’est étrange les regards d’après-coup ! Tout est moins encombré. Mon histoire personnelle percutait celle de ma fille, alors que nous en avions une à construire ensemble. Ça embrouillait, ça chagrinait, ça fermait les yeux sur l’essentiel, ça n’entendait pas son besoin, ça rajoutait au cafouillage, ça gâchait le moment crucial de « l’au revoir ». Elle trimballait l’image détestable de sa mère pendant les jours suivants.
Eh oui, j’ai rencontré un divan sur lequel j’ai enfin déballé mon paquet, débrouillé les ficelles et dégoté les mots qui pansaient mes blessures. C’est en sortant de la confusion que j’ai réussi à lui nommer ce qui était compliqué pour moi quand je la voyais partir.
Faut-il que les séparations réussies soient des gageüres tout au long de la vie ?