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► FORUM - Comment imaginez-vous le travail social en 2050 ?
Le travail social n’a cessé d’évoluer. Se pencher sur ses archives de la première moitié du XXème a de quoi parfois faire dresser les cheveux sur la tête ! Comment nos héritiers dans 50 ans nous jugeront-ils ? En attendant leurs réactions, procédons à un petit exercice prospectif.
Par Didier Dubasque, assistant social Assistant social, membre du Haut Conseil du Travail Social
Trente années nous séparent de cette date que je ne connaitrai sans doute pas. Comme pour les trente ans passés, il y aura des mouvements profonds ainsi que des « invariants ». Que fera un travailleur social probablement demain ?
2020 nous avait alerté sur l’urgence climatique, la montée du populisme et la digitalisation de la société. Ces risques n’en sont plus en 2050 : ils se sont concrétisés. Les « déplacés climatiques » ont créé un certain chaos. Les Etats sont devenus autoritaires. Ils freinent, à tout prix, cette immigration qui nourrit toutes les peurs. Certains travailleurs sociaux sont d’ailleurs affectés à cette tâche. Déjà, certains désobéissent en cachette. Comme leurs ainés, ils ne peuvent se résigner à une logique qui trie et catégorise la population. Leur résistance est d’autant plus remarquable que leurs faits et gestes sont désormais inscrits dans des logiciels de données qui modélisent leurs réponses. En effet, pourquoi ne pas confier ces évaluations à des algorithmes sophistiqués qui évaluent les besoins ? Ils existaient depuis les années 2020 et sont désormais incontournables. Ils apportent des réponses fiables à 95 %.
Mais il y a ces 5% qui demeurent. C’est un sacré problème : l’humain reste encore imprévisible dans ses choix et ses comportements. Certes, ils ne sont plus nombreux dans ce cas mais ceux-là prennent un malin plaisir à contredire les prévisions. Celui qui aurait dû tomber malade se porte à merveille. Cet autre dont l’espérance de vie était scientifiquement établie périt, défiant les statistiques. Notre population a beaucoup vieilli et la crise de la natalité a creusé la différence. Notre système de protection sociale ne tient plus. Il y a trop de vieux, au regard de ceux qui travaillent. Le sujet était tabou en 2020, mais il s’est révélé central quelques années plus tard. Or ces « vieux », surtout les plus fortunés, ne veulent en aucun cas être assistés par des robots. Il leur faut des intervenants sociaux capables non seulement de s’occuper de leur quotidien, mais aussi les stimuler intellectuellement. Il faut un bon niveau pour cela. C’est pourquoi on a gardé quelques travailleurs sociaux pour intervenir sur les situations individuelles. C’est un luxe direz-vous. Oui bien sûr, mais l’argent règne en maître. Tout a un prix et rien n’est désormais « gratuit ». Le service public est devenu le service au public. Bien évidemment, il est payant. Mais le besoin de se confier existe encore. Le métier d’écoutant est d’ailleurs bien payé car il doit garantir impérativement que rien ne sera divulgué, ce qui est depuis longtemps impossible, autrement. Certes, il y a désormais les robots d’écoute, de veille et d’assistance qui visent à prévenir et protéger. Mais ceux-là sont utilisés pour les personnes n’ayant pas les moyens d’une présence humaine. Ils sont d’ailleurs gérés par des équipes pluridisciplinaires de travailleurs sociaux chargées de veiller au respect de certains droits et devoirs.
Finalement, rien n’a vraiment changé depuis ces 30 années. Les techniciens technicisent, les dirigeants décident et quelques autres, dont les travailleurs sociaux qui sont encore là, tentent de rappeler que l’humain et la relation restent des valeurs cardinales. Certains, pauvres fous, brandissent même un antique code de déontologie et d’éthique de leurs anciennes professions pour rappeler que l’on ne peut réduire celui qui est aidé et protégé à un objet que l’on déplace à sa guise. Et s’ils avaient raison ?
Cf « Imaginer l’avenir du travail : Quatre types d’organisation du travail à l’horizon 2030 » Salima Benhamo, mai 2017