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► FORUM - Le Billet de La Plume Noire : cache-Cache
François Durand, éducateur spécialisé de son état, aimait bien les vacances en bord de mer dans la maison familiale communément nommée « La Baraque ». Un mois, avec les parents, les oncles, les tantes, les grands-parents, les cousins et cousines. Tout ce beau monde se mettait à l’heure espagnole - plage de douze à quinze heures, repas, encore plage à dix-huit heures pour finir la journée sur le match de volley et le repas du soir à vingt-trois heures - un bon moyen pour éviter les touristes qui eux mangeaient bêtement à midi et à dix-neuf heures pour entre-temps se coller sur le sable.
Située à cinq-cents mètres de la plage, cette maison, en bois, sous les platanes, posée sur un grand terrain offrait une aire de jeu des plus appréciables pour les enfants.
Et là, aujourd’hui dans son bureau, face à ce jeune qui ne cesse de s’écrouler, de s’enfoncer, de se terrer dans sa problématique s’en pouvoir en sortir, François Durand ne peut s’empêcher de faire le rapprochement avec l’attitude qu’adoptait sa petite cousine lorsqu’ils jouaient à cache-cache autour, dans et sous la maison. Coralie avait pour habitude de toujours se cacher au même endroit. La bâtisse reposant sur de courts pilotis, à quatre pattes, elle se glissait sous le plancher pour se placer derrière une vieille brouette posée là depuis des lustres et dont François interrogeait l’usage puisque jamais il ne vît l’engin à une autre place que celle-ci. De temps en temps, Coralie essayait d’autres cachettes mais poussée par une force mystérieuse, elle revenait inévitablement sous la maison, près de la brouette. Les autres enfants, qui savaient pertinemment où la trouver, s’amusaient beaucoup de l’attitude de leur cousine. Et puis, une fois, alors que venait son tour de chercher les fuyards, François décida de la laisser profiter de sa planque. Il prit le temps de trouver tous les autres et en dernier se dirigea vers Coralie. Elle s’était endormie. Il ne l’a pas réveillé. Les autres s’en sont chargés. La fois d’après, il s’est glissé avec elle sous la maison et de son corps fît rempart de telle sorte qu’il soit impossible de la voir. Débarquant sous la plancher, un autre des cousins, croyant découvrir Coralie tomba sur François. Ce dernier sortit de la cachette et la petite cousine pu rester un bon moment près de la brouette et savourer cet instant avant de réapparaître comme par enchantement devant les autres qui en restèrent estomaqués.
Et donc là, face à ce jeune homme, qui depuis le début de la prise en charge ne cesse de se cacher aux autres et à lui-même pour se terrer dans sa planque au fond de son trou, François Durand se demande s’il est vraiment nécessaire de partir à sa recherche. Après tout, l’éducateur ne sait même pas ce qu’il peut bien y avoir au fond de ce trou. A-t-il seulement pris le temps de bien le regarder, d’en explorer tous les recoins ?
Alors, que doit-il faire ? Sortir absolument l’autre de son trou ou plus simplement s’allonger à ses côtés, voire, avec lui, creuser ?