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► FORUM - Non au CAF-Bashing

Par un(e) salarié(e) d’une CAF.


J’aime mon métier, j’apprécie de pouvoir me sentir utile et d’aider les personnes. J’aimerais pouvoir dire que j’exerce dans les meilleures conditions, que mon travail est reconnu, que mes supérieurs savent apprécier et montrer leur reconnaissance. Je voudrais pouvoir dire que nous avons les meilleurs outils à notre disposition et que nous sommes suffisamment nombreux au sein de notre organisme pour agir et traiter chaque dossier. Mais je mentirai.

Et pourtant, malgré cela, malgré les politiques qui nous abreuvent de réformes alambiquées et difficilement applicables, malgré le manque de moyens, de personnel, de reconnaissance, j’aime mon travail et je le fais avec soin et rigueur.

Je suis salarié(e) d’une Caisse d’Allocations Familiales.

Je n’ai pas pour habitude de râler et on ne peut pas parler de moi comme étant une personne revendicatrice, ni syndicaliste, ni même militantiste. Pourtant, parfois, il y a des matins, alors que vous vous rendez au travail, le baume au cœur, il y a des mots qui vous heurtent tellement que vous ne pouvez pas faire autrement que de vous exprimer. Moi, je le fais par écrit.

Quand j’entends une chronique d’un journaliste ‘’économique’’ sur une radio nationale qui parle de mon entreprise, la CAF, puisqu’il faut la nommer. À la base, je me dis :’’Tiens, on parle de nous ?’’

Va-t-on parler de nos difficultés ? De nos manques de moyens financiers et humains ? De notre ras-le-bol face à des réformes gouvernementales ubuesques que l’on doit à tout prix mettre en place ? Va-t-on parler de ces agents qui à la limite du burn-out, mais par conscience professionnel, continue, bon gré, mal gré à exercer leur métier ?

Non, rien de tout cela. La chronique débute par une information anodine, locale, sur la CAF de la Drôme qui ferme exceptionnellement au public pour combler le retard de traitement des pièces. Oui, c’est vrai. Cela arrive parfois. Cependant, cela ne veut pas dire que l’on ferme tous les points d’accueil ! Et si on le fait, c’est pour de bonnes raisons, non évoquées par ce journaliste.

Parce que, normalement, si on est un vrai journaliste, on est sensé un peu se renseigner. On cherche à savoir, à comprendre, à donner la bonne information. On reste objectif et neutre.

Mais cela ne s’arrête pas à ce point. Pour expliquer cette fermeture et cette ‘’maltraitance’’ quotidienne des allocataires, le journaliste évoque de multiples raisons (sources inconnues. Vive internet...)

J’entends alors un réquisitoire à l’encontre des agents de la CAF. Le journaliste énumère, bien méthodiquement, sa liste exhaustive, de prétendues raisons qui mènent à ce chaos.

Raisons qui sont forcément humaines, et forcément dues aussi en partie à notre incompétence et notre procrastination que nos responsables hiérarchiques ne sont pas capables de réajuster.

Comme cela ne suffisait pas pour convaincre les jurés (auditeurs) à condamner la CAF, je cite le journaliste : ‘’nous sommes passés du télétravail à la télé tout court’’ ! Quel était le but de cette petite phrase ? Rajouter du feu là où cela brûle déjà ?

Connaît-il réellement le fonctionnement d’une CAF ? Sait-il que chacun, chacune de ses agents défend les mêmes valeurs qu’elle porte depuis sa création en 1945 ? Ces valeurs qui je le rappelle sont l’équité, l’égalité, la laïcité et la solidarité pour tous.

Sommes-nous à ce point dans une société égo-centrée pour oublier cela ?

Se rappelle-t-il également que cet organisme s’adresse à tous ? Et non uniquement aux plus précaires qu’il rabaisse également en insinuant qu’ils ne sont pas assez intelligents, voir trop pauvres pour remplir une déclaration trimestrielle seuls ? Quel mépris.

Non Monsieur L. nous ne sommes pas devant notre téléviseur. Et nous ne l’avons pas été durant la pandémie, le confinement. Nous avons continué d’assurer que les droits de chacun soient versés. TOUS les services qu’il soit prestation, social, humain, encadrant… se sont mobilisés et soutenus. Et pour cela, il n’y a eu aucune reconnaissance, aucun éclairage de votre part ou d’un autre média.

La pauvreté, la précarité, nous l’accueillons quotidiennement. Nous soutenons les plus démunis, les accompagnons, et plus important, nous les écoutons et les respectons.

Depuis 10 ans, nos effectifs n’ont fait que réduire telle une peau de chagrin. Les agents en CDD passent sans demeurer. Des agents qui doivent être sans cesse formés pour ne pas rester. Des économies de bout de chandelle. Des réformes provenant du gouvernement qu’il nous faut comprendre, décrypter, expliquer et appliquer.

Nous ne faisons pas rien. Mais tel le tonneau des danaïdes, nous sommes submergés par cette vague. Nous sommes victimes nous aussi d’un système qui s’épuise. Monsieur le Président veut encore réduire nos effectifs (cela vous ne l’avez pas dit) ; notre valeur de point n’a pas augmenté depuis 5 ans (cela vous ne l’avez pas dit). Chaque agent est soumis à la pression managériale avec un objectif de production quotidien. S’il ne remplit cet objectif, il est convoqué et remis sous pression. (cela vous ne l’avez pas dit parce que vous n’avez pas enquêté).

Enfin vous parlez de vigile à la CAF et pourquoi d’après vous ? Cela vous ne l’avez pas cherché non plus. Pour nous défendre parce que la violence physique, verbale est le quotidien de beaucoup d’agents. Mais pas seulement. Il est aussi un garde-fou, un médiateur pour protéger autant les agents que les allocataires.

Votre plaidoyer est injustifié, méprisant et infondé. Cela n’a pour seule objectif que de diviser et arroger de façon gratuite.

Alors Monsieur L., quel journaliste désirez-vous être ? Un prédicateur sans panache ou un lanceur d’alerte légitime et respecté ?