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► LE BILLET de Ludwig • Souvenirs d’internat
Je croyais qu’on était là pour les mômes. J’étais peut-être encore naïf à l’époque, bien qu’ayant déjà pris pas mal de coups dans les genoux. Mais je croyais que l’on pensait notre quotidien dans l’intérêt des enfants. Je m’explique. Tous les dimanches soir à l’internat, les éducateurs élaborent les menus en « bon père et mère de famille » comme on dit, pour la semaine à venir, et en conséquence établissent la liste de courses pour les collègues du lundi.
Nous sommes là, dans ce bureau étroit et encombré, déjà bien fatigué de ce dimanche pluvieux, des retours de familles, de l’émulation ou de l’excitation du soir et des retrouvailles, devant notre « page blanche » des menus. Bon, en totale délégation sous couvert d’autonomie de service, point de nutritionniste, on sait bien tous équilibrer, à la sauce maison, quelques plats, non ? Alors on s’y colle, parfois avec entrain, envie d’exotisme et de voyages culinaires, mais aussi dans la simplicité d’un steak haché purée. Sincèrement, cela prend du temps, tout de même, d’essayer de nourrir convenablement les enfants…Il faut dire que ça bouffe, un ado ! Mais quand un matin, tu t’aperçois que certains de tes menus ont été modifiés, tu ne dis rien mais ça interroge. Il y avait peut-être plus les ingrédients, on a changé les menus du jour…Qu’à cela ne tienne. Pour ma part, que l’on aime ou pas, je me dis que l’éduc du dimanche s’est pris la tête, je cuisine donc, sans me la prendre, ce qui est noté, pourquoi changer ? Respect. Ce samedi midi, c’était barbeuc, cool ! Mais où sont passées les brochettes ? Et les jeunes de me répondre les avoir mangées la veille, le collègue en poste préférant, lui, se le faire le barbeuc, en lieu et place de la ratatouille prévue. Bon, allons-y pour la ratatouille, et surtout sans réflexion, cohérence oblige. Mais cela peut devenir dérangeant si l’on change les menus pour notre convenance personnelle. Je croyais qu’on était là pour les mômes. J’avais déjà depuis longtemps compris tous ces petits arrangements, en fonction des envies, goûts, de chacun. Quand on commence à faire les menus et à s’organiser en fonction des collègues en poste, c’est que tu passes selon moi à côté des jeunes et de leur équilibre nutritionnel déjà bien précaire, et de la cohérence éducative. Parce que je croyais qu’on était là pour les mômes…
Ah oui les mômes en fait…Pardon je vous laisse, il est l’heure de faire à manger !
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