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► LE BILLET de Vince • De quelle crise parle-t-on ?

Vous l’avez vu ce spot publicitaire de l’État pour les métiers du social ?
« Rejoignez-les. Ils ont besoin de vous. Les métiers du soin et de l’accompagnement recrutent  ». Ah bon ? Vraiment ? Mais qui a besoin de quoi ?
Décryptage.
Dans la forme d’abord. Une publicité digne des campagnes de recrutement pour l’Armée de Terre. Je ne sais pas quel service de com’ a travaillé sur ce clip, mais c’est pathétique ! Jeu d’acteurs abominable : « j’ai besoin d’un métier où on me donne des responsabilités ». Vous voulez vraiment qu’on en parle des responsabilités ? Instrumentalisation honteuse d’une jeune trisomique et d’un ado noir obèse en fauteuil roulant. Quel casting judicieux ! Deux jeunes professionnels souriants et dynamiques. Un ballon de basket et hop, le tour est joué ! Ouais, ça a l’air super fun le social ! Viens jouer au basket avec nous ! Un lien vers 1jeune1solution.gouv.fr/formations : ah oui, on vise donc clairement les jeunes donc. Ok boomer.
Dans le fond, c’est pire encore. De qui se moque-t-on ? Des soignants d’abord, figurant aussi dans ce spot, masqués. Ceux-là même qu’il fallait applaudir tous les soirs à 20 heures, pendant des semaines, alors que l’hôpital public subit des politiques d’austérité depuis des années ! De tous les «  mis à pied  » des établissements médicosociaux faute de pass vaccinaux valides. De tous les travailleurs sociaux encore engagés ou qui coûtent trop chers. De tous ces métiers dévalorisés, sous-payés, en perte de sens, en tension. Mais des personnes accompagnées avant tout !
Crise du recrutement vraiment ? Des employeurs qui se réveillent subitement alors que la marchandisation du travail social est à l’œuvre, depuis plus de 20 ans ? Des institutions qui se mettent, soudainement, à se battre pour le droit au Ségur pour tous, alors qu’elles ont toujours participé à la précarisation des métiers du secteur ? Quelle hypocrisie ! Pour rappel, le pouvoir d’achat des travailleurs sociaux a baissé de 30 % en 20 ans, l’indice du point de la convention collective 66 a augmenté de 0,86 centimes durant cette même période. Cela n’a jamais ému grand monde jusqu’à présent. Et, aujourd’hui, on voudrait nous faire croire à un réveil ? Au motif d’une lutte collective pour une prime de 183 euros ?
Je comprends pourquoi on vise désormais un renouvellement des forces vives par la jeunesse. On la croit sans doute plus malléable, Parcours Sup aidant. On l’imagine suffisamment crédule pour ne pas voir ce qui se cache derrière les revendications du Ségur pour tous, en l’occurrence un projet de refonte des conventions collectives et une menace sérieuse sur les conquis sociaux. Sans doute aussi une stratégie économique de grand remplacement.
Alors d’abord, c’est bien mal connaître les ressources analytiques de notre jeunesse. Et c’est aussi sous-estimer les plus anciens d’entre nous qui peuvent encore allègrement jouer au basket.
Ce spot publicitaire fait honte à nos métiers. Je suis en colère face à tant de mépris. La crise que nous traversons n’est pas une crise de l’engagement ! Jeunes et moins jeunes professionnels sommes toujours-là. Il suffit de nous reconnaître.