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► LE BILLET de de La Plume Noire • Thérapie
Dans l’ascenseur, François Durand, éducateur spécialisé de son état, se demande ce qu’il va bien pouvoir dire. Quelle vont être les premiers mots à énoncer ? Depuis quelques temps, il a peur. Il s’est fait peur. Dernièrement, Ornella, une adolescente de dix-sept ans, lui a crié dessus « ça y est, tu es content ? Tu as encore foutu ta merde ! » Le genre de phrase qui le percute, le cogne, et, du coup, le réveille. Un peu comme cette fois où Louis, quatorze ans, lui a lancé « Mais putain tu as eu ton diplôme d’éducateur dans une pochette surprise ou quoi !? » Il venait de courser l’adolescent dans les escaliers pour, dans un grand coup du plat de la main, le frapper dans le dos. Ce même Louis, à qui il avait jeté un soir le jeu de clé du « Home d’Enfants » et qu’il était passé à quelques centimètres de son visage. Et que dire de Cécilia qui un matin, assise en haut de l’escalier, refusait de bouger, refusait d’aller à l’école, et qu’il lui a fait descendre les marches sur le cul en la traînant par les pieds. Et puis là, dimanche soir dernier, il a placardé Laurie contre le mur, lui a serré la tête avec ses deux mains tel un étau en lui gueulant dessus, « Tu vas t’arrêter oui ! » Laurie s’est liquéfiée. C’est là, qu’Ornella l’a invectivé. Le lendemain, François Durand écrivait sur le mur en grosses lettres rouges, « Milles excuses Laurie » À la vue de tous, ces mots semblaient rajouter encore plus à l’obscénité de son geste de la veille. Un mois plus tard, Ornella, encore elle, lui intimait de les effacer.
Suite à cet incident, cet acte de violence, François interpella sa collègue, Béatrice.
« Ce n’est plus possible. Ces gamins sont retirés de leur milieu familial, placés pour être protégés et là, ils tombent sur un Zozo comme moi, un Zéduc. Il faut que je fasse quelque chose. Cela ne peut plus durer. »
Béatrice pris un post-it, y inscrivit un numéro.
« Tiens, les coordonnées de mon psy. »
Il téléphona et obtint un rendez-vous pour la fin de la semaine. Dans l’ascenseur, tout à ses questions, il se remémore le cube en bois reçu au visage gamin, ainsi que les divers coups de pieds et gifles. Sa mère.
Il sonne. La porte s’ouvre. Il entre et patiente dans la salle d’attente. Le psychologue vient le chercher. Il l’invite à entrer dans son cabinet. Tous deux s’assoient, séparés par un grand bureau. Derrière le psychologue, par la fenêtre, François distingue quelque peu le port de la ville. Que va-t-il bien pouvoir dire ?
« Alors, Monsieur Durand qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »
Un blanc de quelques secondes, puis, respirant un bon coup l’éducateur lâche presque malgré lui :
« Je suis violent au travail et j’ai des problèmes relationnels avec ma mère. »