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■ ACTU - Exil • Le douloureux parcours des femmes

SOS Méditerranée, qui assure le sauvetage de bateaux de migrants en détresse, organisait le 8 mars une conférence pour rendre hommage aux nombreuses femmes – 5028 exactement – secourues en mer depuis 2016, soit environ 15% des migrants secourus par l’ONG.

« Elles partent pour des raisons économiques, familiales, fuient des violences, des mariages arrangés, certaines ont fait des études, elles sont souvent pleines de ressources au départ avec une très forte volonté de s’en sortir », constate Camille Schmoll, géographe à l’EHESS et auteure du livre « Les damnées de la mer, femmes et frontières en méditerranée ». « Mais les femmes ont beaucoup plus de risques que les hommes de mourir pendant leur parcours migratoire - dans le désert, puis en Libye, puis pendant la traversée en mer -, poursuit Camille Schmoll, elles s’exposent à des violences sexuelles, des séquestrations et sont d’autant plus vulnérables si elles voyagent seules, enceintes ou avec des enfants ».

Violences sexuelles

Quand leur trajectoire passe par la Libye, elles sont souvent emprisonnées, torturées, violentées, réduites au travail forcé. Pendant plusieurs mois, voire plusieurs années jusqu’à ce qu’elles parviennent à s’enfuir. Et la situation s’est aggravée depuis que l’Union européenne a institué une zone de sauvetage libyenne en 2018 : « avec des conséquences dramatiques, explique Laurence Bondard, chargée de communication à bord du navire Ocean Viking de SOS Méditerranée, car les gardes-côtes libyens interceptent les bateaux et ramènent les passagers en Libye, où ils sont à nouveau enfermés, violentés, abusés ». « Il y a eu une intensification des violences en Libye depuis 2018, les violences sexuelles y sont systématiques, répétées, comme les situations d’esclavage et d’enfermement, confirme Camille Schmoll. Les femmes que l’on retrouve sont des rescapées. Toutes ont vécu pendant leur voyage la séparation ou la mort de proches qui voyageaient avec elles ». Nejma Brahim, journaliste à Médiapart, qui a passé six semaines sur l’Ocean Viking en ce début d’année, a recueilli de nombreux témoignages relatant ces situations de violences inouïes.

A bord de l’Ocean Viking

Quand les femmes arrivent à bord de l’Océan Viking, elles sont épuisées, parfois brûlées et intoxiquées au fuel, les conséquences médicales liées aux violences subies sont innombrables : « infections, grossesses non désirées et non suivies, traumatisme psychologique immédiat et à long terme », détaille Laurence Bondard. Le navire dispose à bord d’une équipe médicale 100% féminine - médecin, sage-femme, infirmières - et a reconstitué un mini-hôpital capable de réaliser des opérations, des soins pré et post-nataux. « Il y a un nombre très élevé de femmes enceintes qui transitent sur ces embarcations, il y a eu 6 naissances à bord de l’Aquarius (NDLR : une autre bateau de l’association). Quand il y a des cas critiques on fait une demande d’évacuation médicale d’urgence, c’est arrivé plusieurs fois », rapporte Laurence Bondard. Une fois soignées, les femmes peuvent se reposer dans un abri sécurisé sur le navire, exclusivement réservé aux femmes et aux enfants, en attendant de débarquer dans un port européen où d’autres épreuves les attendent.

Mariette Kammerer

L’intégralité de la conférence « Femmes en Méditerranée » organisée en partenariat avec RFI est à retrouver ici