L’Actualité de Lien Social RSS
■ ACTU - Protection des enfants • Le texte au Sénat
Le projet de loi « relatif à la protection des enfants » devait être examiné au Sénat le 20 octobre, après son adoption par l’Assemblée nationale en juillet dernier. La décision de son report en décembre avait été perçue par une partie des professionnels comme une nouvelle démobilisation. Une tribune, signée par près de 500 professionnels de la protection de l’enfance, publiée par Le Monde le 7 octobre dernier, jugeait ce report « incompréhensible » et pointait le manque de moyens « pour rendre les droits fondamentaux des enfants effectifs ».
Procédure accélérée
D’autant que le choix du gouvernement de passer ce texte en procédure accélérée avait empêchée « une analyse approfondie des difficultés rencontrées, des obstacles à lever et des procédures à modifier dans le domaine de la protection de l’enfance », regrettait la Défenseure des droits dans un avis rendu le 15 octobre dernier. Depuis, le projet de loi est arrivé à la commission des affaires sociales au Sénat où il a été discuté du 18 au 20 octobre avant sa présentation dans l’hémicycle en décembre. Si certaines dispositions du texte représentent des avancées, selon les professionnels, il reste nombre de points de crispation.
Fin des hôtels ?
L’interdiction du recours à l’hôtel pour héberger des mineurs protégés est saluée par l’ensemble de la profession avec des réserves d’importance. Dans le texte votée par l’Assemblée, ce recours restait possible « à titre exceptionnel » ce qui laissait un champ d’interprétation large. La commission des affaires sociales du Sénat propose de l’interdire totalement « sauf pour les accueil en urgence », ce qui, là encore, concerne beaucoup de situations actuelles de recours à l’hôtel. Surtout, la commission donne un an supplémentaire aux départements, soit deux ans, pour appliquer la mesure, là où l’Assemblée exigeait qu’elle soit mise en œuvre en un an.
Jusqu’à 21 ans ?
Sur la prolongation de la prise en charge par l’aide sociale à l’enfance jusqu’au 21 ans, proposée par le texte, la Défenseure juge, dans son avis, qu’il ne « garantit aucunement un accompagnement aux jeunes majeurs et que ces dispositions ne rendent pas obligatoire pour les départements la prolongation des mesures de protection ». En effet, le projet prévoit que cette prise en charge « à titre temporaire » est prise « sur décision du président du conseil départemental ». Une possibilité donc de s’y soustraire. Le Senat apporte sur ce point un élément supplémentaire puisqu’il envisage la possibilité d’accompagner des jeunes majeurs même s’ils n’ont pas été pris en charge par l’aide sociale à l’enfance avant leur 18 ans comme le prévoit le texte actuel.
Protection de tous les enfants ?
Enfin, le projet inquiète sur le glissement toujours plus important du traitement des mineurs non accompagnés hors du dispositif classique de la protection de l’enfance. Dans un texte co-signé par le syndicat des avocats de France (SAF) et un syndicat des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (SNPES-PJJ-FSU), les auteurs jugent qu’il renforce le contrôle des mineurs non accompagnés (MNA) en rendant « obligatoire, pour tous les départements, le recours au fichier d’aide à l’évaluation de la minorité (AEM), le recours aux fichiers Visabio et AGDREF et la possibilité pour les départements de solliciter l’analyse de documents d’état civil (alors que jusqu’à présent, seul le juge des enfants avait cette compétence) ». En juin dernier, le Gisti alertait une nouvelle fois sur les effets de ce fichier AEM déjà en œuvre dans de nombreux départements depuis 2019 : « mineurs laissés à la rue dans l’attente de leur passage en préfecture, refus de mise à l’abri et d’évaluation à l’issue de la consultation des fichiers, édiction de mesures d’éloignement à l’égard de ceux « déclarés » majeurs, les privant de leur droit à un recours devant le juge des enfants, etc. ». Il appelait au retrait de cette disposition du projet de loi. Dans son avis, la Défenseure des droits rappelait « qu’opposer certains enfants aux autres enfants en danger constitue une atteinte profonde aux principes d’universalité des droits de l’enfant et de non- discrimination, posés par la convention internationale des droits de l’enfant ».
Marianne Langlet