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► LE BILLET de La Plume Noire • Banane électrique
François Durand, citoyen de son état, attend son tour pour enregistrer à la borne prévue à cet effet les films qu’il vient d’emprunter dans les rayons de la médiathèque municipale. A cette borne une femme et un enfant qui est sans aucun doute son fils. Le petit ne doit pas avoir plus de cinq ans.
François perçoit bien la tension électrique entre les deux. La mère souffle. Le petit s’agite. Elle se contente tout d’abord de lui demander de se calmer. L’enfant ne s’exécute pas. Elle le frappe à cinq reprises avec le plat de la main sur le dos qui résonne alors en bruits sourds. François ne peut s’empêcher de manifester sa désapprobation et lance un « Eh oh ça va oui ? »
La mère ne se retourne pas mais stoppe néanmoins. Ses paroles prennent le relais : « Tu ne pourras pas dire que je ne t’avais pas prévenu ». Il est vrai que le seul fait de prévenir son enfant avant de le taper est une raison suffisante pour passer à l’acte.
Cela dit peut-être qu’elle a entendu ça à la télévision puisqu’actuellement, c’est à la mode de prévenir les gens avant de leur casser la gueule. Cela peut même suffire à vous blanchir de toutes velléités destructrices, guerrières et conquérantes. Mais là n’est pas la question, je m’égare.
Dans la file d’attente personne n’a réagi face à la violence de cette mère. Ce n’est pas une tape ou deux qui vont traumatiser un gamin, on est tous passé par-là et l’on ne s’en porte pas plus mal, cela nous a même parfois remis les idées en place lorsque nous dépassions les bornes. Et puis surtout on n’intervient pas dans l’éducation des autres. Chacun agit comme il veut avec ses enfants.
Enfin, pas toujours et c’est même là, la fonction de François Durand. Éducateur spécialisé en assistance éducative en milieu ouvert (AEMO) son rôle consiste à intervenir à domicile afin d’assurer le regard que la société se donne le droit de porter sur l’éducation dispensée au sein des familles. Ainsi, il est relativement coutumier des violences perpétrées à l’encontre les enfants et c’est pourquoi il s’est senti obligé, dans cette file d’attente de la médiathèque, même sans mandat du juge qui assoit une certaine légitimité, d’apostropher cette mère de famille.
L’aurait-il fait si à la place s’était tenu un joli gaillard près à en découdre avec lui ? Pas sûr mais quand même peut-être… François aurait bien aimé que quelqu’un ouvre son bec quand enfant il se prenait des torgnoles de la part de sa mère. Cela lui aurait peut-être permis de comprendre que l’on n’est coupable de rien lorsque quelqu’un fait effraction dans votre corps.
Sortant de la médiathèque avec dans son sac les films « Orange mécanique » et « Fight Club » , qu’il souhaite visionner avec ses fils, il repense à sa mère, à celle de la file d’attente et aux autres rencontrées dans le cadre de son travail et se dit que la violence appartient à la société, à celles et ceux qui la composent, aux hommes, aux femmes.
Quelque part, cette pensée le rassure.