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► LE BILLET de La Plume Noire • Le deuil peut commencer
Dans la chambre/bureau des éducateurs/trices, Medhi, Laurianne, tous deux enfants placés et François Durand, éducateur spécialisé de son état, se relayent sur le pèse-personne sorti pour l’occasion afin de connaître leurs poids respectifs. Une petite séance récréative qui amuse tout le monde. François Durand constate qu’il a pris cinq kilos dans les dents. Les railleries fusent et les enfants ne se gênent pas pour lui rappeler son bon coup de fourchette. Les rires aidant, tous trois n’entendent pas arriver la grande sœur de Medhi qui vient chercher son frère pour le week-end. Dans l’encadrement de la porte, elle sourit. Ce n’est pas une première pour elle. Elle ne s’annonce jamais vraiment. Elle a plutôt pour habitude de débarquer sans prévenir. François Durand est toujours quelque peu emmerdé aux entournures quand il la voit apparaître comme ça dans les couloirs du home d’enfants. Il a l’impression qu’elle exerce ainsi une sorte de surveillance, un contrôle « surprise » de l’endroit qui accueille son frère. Cela dit, il comprend très bien qu’elle puisse agir de la sorte. Rien de plus logique que d’être inquiète lorsqu’est confié votre petit frère à des inconnus, fussent-ils des professionnels et donc censés agir comme tels avec toute l’éthique que cela implique. Elle n’est pas tombée de la dernière pluie et elle sait très bien que l’éthique peut être en toc. Et puis Medhi a une place particulière au sein de sa famille. Petit dernier d’une fratrie de quatre enfants dont deux sont déjà majeurs, il est le seul à être placé. Il est arrivé à l’âge de six ans sur le home d’enfants. Sa mère a sombré dans le coma pendant son accouchement. Une crise d’éclampsie, suite à une anesthésie générale pour une césarienne. Elle ne s’est jamais réveillée. Elle est chez elle, sur un lit médicalisé. La seule fois où François Durand s’est rendu au domicile, il a pu la voir. Le père de l’enfant, s’est posté aux côtés de sa femme, lui a pris la main et lui a présenté l’éducateur qui maintenant s’occupait, avec d’autres, de leur fils. Une ambiance teintée de mort, lourde, pesante, chargée de tristesse et surtout d’injustice. Le père est en procès contre la clinique.
Les raisons pour lesquelles Medhi est accueilli au sein du home d’enfants demeurent opaques. Le père explique que lui, tout seul à la maison, sans sa femme, avec ses autres enfants, a du mal à s’en sortir avec son plus jeune fils et surtout, ce qu’il souhaite c’est que son fils travaille bien à l’école. Il ne se passe pas un week-end, une semaine de vacances sans que cette famille ne vienne chercher Medhi, et c’est bien souvent sa sœur qui telle une éclaireuse vient le récupérer.
Même si cela n’est pas énoncé, il est bien évident que Medhi porte le poids de la responsabilité du coma de sa mère. Pour la petite histoire, le placement durera trois ans. Le père gagne le procès contre la clinique, le placement prend fin, Medhi rentre à la maison, la mère meurt.
Le deuil peut commencer.
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