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► LE BILLET de La Plume Noire • On ne crache pas dans la soupe
Aujourd’hui, c’est jour de tambouille au sein de l’accueil de jour qui porte le nom d’une célèbre enseigne qui s’est vue naître dans le grand froid de l’hiver 54. Frédéric Tandem, éducateur spécialisé, est aux fourneaux. Il adore ça, préparer le repas. Dans ce lieu l’accueil est inconditionnel pour tous les « jetés à la rue » qui souhaitent boire un café, accéder à un repas chaud, discuter ou tout simplement se poser quelque peu et souffler avant de retourner errer entre trottoirs, bancs, parcs, centres d’hébergement et/ou habitats plus ou moins sommaires et précaires.
Frédéric a prévu des pâtes bolognaises. Il s’est mis à la tâche dès neuf heures ce matin. Il a le sourire. Participer à la préparation de ce moment convivial le rend heureux.
Joly Laura, stagiaire éducatrice spécialisée, passe la porte de l’accueil de jour. C’est son premier jour de stage. Elle ne peut s’empêcher de ressentir un léger frisson à l’idée de rejoindre pour un temps ce mouvement aux valeurs fortes. Elle entre dans l’histoire des combats prônant la solidarité, l’entraide, la considération de l’humain avec un grand « H »
Frédéric accueille la jeune étudiante. Il est son référent et à ce titre va l’accompagner pour les huit mois à venir. C’est un bon jour pour commencer, lui explique-t-il. « Le mardi, jour de repas, tu vas pouvoir rencontrer bon nombre de nos usagers. »
Au fil de la matinée, au compte-gouttes, les énergumènes investissent l’espace. Face à ces hommes de la rue, Laura se sent quelque peu démunie. Elle se rapproche de son référent. Tout en surveillant la marmite, Frédéric lui expose le fonctionnement de l’accueil de jour. L’accueil inconditionnel, il y tient, c’est important pour lui. À ce titre, il veille à recevoir chaleureusement tous les usagers. Laura voit en lui un professionnel à l’aise dans ses fonctions et la relation à l’autre. Toujours le bon mot, le trait humoristique, l’oreille attentive, la fermeté dans le positionnement et la parole.
Regardant les loustics autour d’elle, Laura interroge Frédéric sur l’émergence de possibles violences. « Cela peut parfois arriver », déclare-t-il. « Mais nous sommes vigilants. » Dernièrement, Robert, un habitué des lieux connu pour ces excès de colère, a jeté son assiette contre un mur et insulté une éducatrice présente ce jour-là. Comme cela s’était déjà produit à plusieurs reprises et en très peu de temps, il fut décidé que Robert ne devait plus accéder à l’accueil de jour pendant une période de six mois.
Mais s’il vient quand même ?
Pas de soucis, nous lui demanderons de partir et s’il refuse nous appellerons la police.
Robert ne s’est pas présenté. En rentrant chez elle, Laura s’interroge. Un accueil qui exclu et en appelle à la police peut-il se prétendre inconditionnel ?
Elle n’a pas la réponse, mais il lui saute aux yeux comme une évidence qu’apparemment, on ne crache pas dans la soupe.
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