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► LE BILLET de Ludwig • Cramé !
Salut Vince ! Je me permets de t’écrire ici en réponse, voir en continuum à ton billet, comme à un collègue, certes, de ces colonnes de Lien social, mais surtout, comme à un collègue travailleur social fatigué sous alprazolam. La team alprazolam, comme tu l’appelle, non sans humour. L’humour permettant une protection face aux détresses que nous subissons dans nos métiers de la relation d’aide, et qui nous use jusqu’à la moelle. Jusqu’au Burn-out. Alors, avant d’en arriver à cette extrême pathologie, et qu’elle te frappe, il me semble opportun d’amener quelques éléments de compréhension, à toutes fins utiles de prévention. Comprendre pour agir. Pour ne plus subir. Ne plus se laisser faire !
Contextualisons d’abord cette maladie. Le travail est aujourd’hui transformé par la pressurisation continue, la gestion et la rentabilité. Le travail social n’y échappe pas, je ne reviens pas ici là-dessus, mais juste pour avancer que la souffrance psychique causée ou aggravée par le travail est le 2ème groupe d’affections d’origine professionnelle décrit dans la population salariée active française, et que les problèmes de santé au travail sont la première cause d’absence prolongée !
Le burn-out, là-dedans, est bien, ce « syndrome d’épuisement professionnel caractérisé par une fatigue physique et psychique intense, générée par des sentiments d’impuissance et de désespoir. » « Sentiment de fatigue intense, de perte de contrôle et d’incapacité à aboutir à des résultats concrets au travail », selon l’OMS. Effondrement qui arrive subitement après une exposition prolongée à la fatigue professionnelle. Un jour, on ne se lève plus. Un matin, on ne sort plus de sa voiture. On est bloqué, littéralement cramé.
Ce syndrome provient de la rencontre entre un individu et une situation de travail dégradée. Tous les travailleurs qui traversent une période d’épuisement sont en situation de stress chronique. C’est là un important élément de vulnérabilité. Mais ce n’est pas le seul, puisque l’épuisement professionnel est une conséquence de nombreux faits, comme principalement la surcharge de travail, la pression temporelle, les relations interprofessionnelles, le manque de reconnaissance, la déstructuration organisationnelle, bref, les facteurs sont nombreux. Mais on pourra en reparler à l’occasion.
Il faut savoir aussi que le burn-out touche beaucoup les personnes fortement engagées dans leur travail, par le choix de la profession et le sens donné. D’où cette perte, aussi, de sens et de valeurs. Désillusions. Et puis, tu le sais, la charge émotionnelle liée à nos professions, n’arrange rien. Mais bon, le travail n’explique pas tout. Les facteurs individuels sont aussi à prendre en compte par nos antécédents personnels, notre personnalité, ce qui n’exonère en rien, je te le concède, les causes de risques dus au travail que j’ai évoqué au-dessus.
Alors on en tombe malade, et les manifestations, importantes, s’installent progressivement. Insidieusement. Comme je le disais, on tient, on tient, et un jour on craque. La symptomatologie du burn-out est assez complexe, mais ses conséquences émotionnelles, cognitives, physiques, interpersonnelles et comportementales, motivationnelles et attitudinales sont graves. Et peuvent évoluer vers la dépression, l’anxiété, le suicide.
Vince, sans être donneur de leçon, ce qui n’est nullement mon but, protège toi. Oui, protégeons-nous ! Ca suffit de souffrir à cause du travail ! Repérons les signaux tant individuels que collectifs, faisons appel aux dispositifs de santé au travail, sachons dire stop et faisons des pauses, soutenons nous, arrêtons de se culpabiliser, analysons les conditions et organisations du travail, bref, tu vois, il y a tellement de choses à faire et à prendre en considérations, voir à remettre en cause.
Vince, je dois m’arrêter là, j’espère sincèrement que ça va aller pour toi, vers le mieux. Notre vie, celle de nos proches, ne mérite pas que l’on se flingue au travail.
Cette lettre est bien évidemment une pensée soutenante pour toutes et tous les collègues qui s’y reconnaîtraient.
Voir aussi : Lien Social n°1286 : Souffrance au travail. Echapper à l’usure.