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Khalid a 38 ans. Originaire du Soudan, il est arrivé il y a 4 ans, fuyant son pays en guerre. Ce qu’il a traversé, je ne vous le raconte pas, vous le savez sans doute. Les horreurs des routes de l’exil sont des récits parfois insoutenables, mais là ne sont pas mes propos.
Khalid a d’abord été accueilli en HUDA à son arrivée en France, puis hébergé en CADA. Il a déposé sa demande d’asile politique et a attendu, attendu et encore attendu. En bénéficiant d’une chambre pourrie dans un vieux CADA sans eau chaude, de WC collectifs odorants, de cafard comme compagnie. C’est mieux que d’être à la rue, se dit-il. Pour l’institution d’accueil, c’est bien suffisant. Au moins, pendant ce temps, il a pu bénéficier de l’accompagnement de travailleurs sociaux, d’une CSS, se poser et se reconstruire un peu. Il a pu voir un médecin, se soigner. Panser ses plaies. Mais Khalid a été débouté du droit d’asile, exclu du CADA avec une OQTF aux fesses. Alors, Khalid est devenu clandestin. Sans papiers. Il a trouvé du travail. Dans la restauration où il fait des heures à n’en plus finir. Il n’est pas exploité, son patron l’entoure et lui apprend le métier. Parce qu’il y a pénurie de main-d’œuvre, ils sont plusieurs travailleurs sans papiers. Métiers en tension.
Alors quand le projet de loi Darmanin sur l’immigration a été d’actualité, Khalid a pris peur. Il a raison. Encore une loi sur l’immigration visant à renforcer le dispositif de demande d’asile, en faisant croire à la population qu’il est si simple d’obtenir sa demande d’asile, de se faire régulariser. Demandeurs d’asile, c’est le pied ! Mais chasser sur les terres de l’extrême droite, ça, on sait faire ! Alors on a enterré l’article 3 sur la régularisation dans les métiers en tensions, il ne faudrait quand même pas créer un appel d’air ! Et puis comble de l’ignominie, hérésie humanitaire, nos vieux sénateurs grabataires ont supprimé l’AME, l’aide médicale d’État, dispositif permettant aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d’un minimum d’accès aux soins. Même le ministre de la Santé regrette cette décision. C’est bien connu que les exilés sont responsables de l’engorgement des hôpitaux, que ce ne sont que des profiteurs ! Je ne veux pas faire de comparaison inadéquate, mais la France est le deuxième exportateur d’armes au monde. Nous livrons des armes, mais nous ne voulons surtout pas en accueillir les fuyards ! Cette loi Darmanin est le comble de l’inhumanité, une machine à laisser crever les sans-papiers. Enfin, l’extrême droite trouve que ce n’est pas encore suffisant.
Renforcement des procédures d’asile, chasse aux sans-papiers, restriction de l’accès au soin, conditions de détention inhumaines dans les CRA et enfermement d’enfants, la France a depuis longtemps piétiné ses valeurs. En 1996, une marche des sans-papiers faisait irruption dans le débat public, avec l’occupation de l’église Saint-Bernard, avec le délogement à grand coup de hache par la police des occupants. L’émoi avait été général, les soutiens médiatiques. Aujourd’hui, quand est-il ?
Khalid, lui, est bien loin de tout ça. Il frôle les murs, la peur au ventre de se faire arrêter. Malade, il sait qu’il ne pourra plus obtenir le moindre soin. Mais demain, il sera à la plonge de votre restaurant, et nous, attablés dans le confort.