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8 septembre 2022
► Plonger et rebondir : l’intégrale - Mon expérience de burn-out
Lien Social a consacré son numéro 1320/1321 aux questionnements qui traversent une action sociale en pleine crise. À la marchandisation, la rigueur budgétaire et perte de sens … répondent l’épuisement, prise d’initiative, réactivité, créativité et dynamisme. « Plonger et rebondir » a reçu près d’une cinquantaine de contributions, mais n’a pu en publier qu’une vingtaine. L’occasion de présenter sur notre site certaines des contributions que le lecteur n’a pas retrouvées dans la revue.
LS 1320-21 - Souffrance dans le travail social • Plonger ou rebondir ?
Par G., assistante de service social Je vous apporte mon témoignage tel que je le ressens, un peu tard, mais il me faut toujours du temps pour écrire. J’ai eu un burn-out. Il m’a fallu dix-huit mois pour le digérer. De temps en temps, il refait surface, sournoisement. Vous écrire est un moyen de l’exorciser une bonne fois pour toute, de boucler une boucle. J’en parle aujourd’hui, sans larme aux yeux, ça y est j’avance. Je suis Assistante de Service Social, diplômée de 2013. Neuf ans donc…ni vieille professionnelle, ni jeune non plus, mais qui a vu peu à peu son métier changer, le public également. Et y a eu le covid aussi : en termes d’électrochoc émotionel et professionnel, ça se pose là. Bon nombre de mes collègues veulent se reconvertir, ça a pris de l’ampleur, j’ai pu observer cela de loin. Est-ce que c’est un idéal qui en prend un coup ? C’est-à-dire qu’on sort de l’école, avec notre formation, peut être nos idéaux et on est très vite confronté au manque de places dans les foyers par exemple, le temps d’attente pour les Aide Educative à Domicile, les délais des décisions de justice en protection de l’enfance. On est confronté également aux arrêts maladies de collègues non remplacées parfois pour plusieurs mois, à la précarisation du métier, au salaire qui n’est franchement pas folichon selon où l’on exerce (fonction publique d’Etat titulaire, dans une association ou en entreprise ce n’est pas la même). Les jeunes professionnels, aujourd’hui ceux de 2022, se posent peut-être des questions plus réalistes… Pour ma part, presque six ans de Contrat à durée déterminée (CDD) dans un Conseil Départemental, fonction publique territoriale donc, contractuelle, parfois des contrats d’un mois. Dans différents services, différents territoires, là où il y avait des besoins, j’ai multiplié les compétences, les adaptations aussi… Lorsque je travaillais en polyvalence, j’accompagnais parfois un public qui me ressemblait, cela fait un drôle d’effet. On peut être, nous aussi, de l’autre côté ? Cela peut être violent de renvoyer le fait qu’on ne peut pas apporter notre aide, car franchir la porte d’un centre médico-social ou rencontrer une assistante sociale, pour certains, est une étape difficile, il vaut mieux faire une bonne première impression. J’ai pu voir l’accès au concours se durcir, dans la territoriale en tout cas. Les CDD maintenant sont plus longs que lorsque j’ai commencé. Entre temps, j’ai essayé un Contrat à durée indéterminée, en clinique, …dans différents services, en pleine pandémie et avec un confinement strict. Je n’ai jamais été aussi seule. Nous étions tou(te)s dans cette période très stressante, plein d’incertitudes, de peur, pour nos proches. Les patients se sont accrochés à moi parfois telle une bouée, et ça a été trop…vraiment, d’autant plus que les visites étaient interdites. On est une profession qui reçoit une charge émotionnelle extrême, (pleurs, agressivité…), car nous sommes souvent les uniques interlocuteurs, comme une passerelle entre deux mondes, parfois. Nous sommes une profession, parmi d’autres, hyper exposée, et nous sommes témoins lors des entretiens de tout ce qui touche aux fragilités les plus intimes des personnes (les enfants, la maladie, le domicile, les récits des violences conjugales, comment on dépense son argent, le parcours migratoire, les relations avec ses parents) et ça pendant des années. Qui nous prépare à cela ? Est-ce qu’on est formé à ça ? Avec le recul, je constate que pas vraiment en fait, on enfile notre cape de superman/superwoman et « aventi ». On gère avec ce qu’on est. Le fait que ce soit des femmes, majoritairement d’ailleurs, qui exercent ce métier, c’est déjà une réponse non ? Charge mentale à la maison, inégalités des tâches cette volonté de tout vouloir porter, tout ça, tout ça… … Toutes les équipes n’ont pas des analyses de pratique, tous les managers n’ont pas cette écoute. Est-ce que certains d’entre eux connaissent vraiment nos fonctions ? N’est-ce pas là que se situe le malaise, parfois ? Sans le vouloir, j’ai fait fort. Je voulais juste une stabilité et exercer ce métier que j’aime tant. J’y ai laissé quelques plumes, voir même une touffe entière. La solitude est extrêmement néfaste pour notre métier, ne pas avoir un appui institutionnel aussi. J’ai démissionné et je me suis demandée si j’allais continuer. C’était un beau burn-out. Je ne l’avais pas vu venir celui-là. Heureusement que ma généraliste m’a arrêtée. Ça m’a permis de me poser, vraiment, pleinement. Il m’a fallu du temps quand même, beaucoup de temps…sans aller au travail. Je vous assure quand on me connait, ce coup d’arrêt a été terrible mais salutaire pour moi et mes proches. Aller à un entretien d’embauche, répondre quand on vous demande votre expérience avec des larmes dans les yeux, pour moi ça a été un électrochoc, y’ avait du chemin à faire…. J’ai plongé, et pourtant je peux l’assurer, j’aime mon métier, il fait partie de mon identité, c’est ma plus grande force et ma fragilité aussi. Bon maintenant je le sais, c’est un progrès. Mais la bonne nouvelle c’est que j’ai rebondi !!!! Par amour de mon métier. J’ai fini par avoir ce concours à la territoriale, peut-être aussi parce que je suis plus lucide. Je travaille dans un conseil départemental, dans un domaine que j’aime et où je compte rester. Je travaille en équipe, avec d’autres assistantes de service social, des administratifs, un chef de service qui a une formation médico-sociale. Je peux échanger sur mes difficultés, apporter mes compétences aussi. Je suis plus hypersensible aussi, mais je gère la pression différemment. Dans ce service, je peux « mesurer » les effets de mon accompagnement, je ne stagne pas et ça c’est très important pour moi. La crise sanitaire a aidé, je crois, déjà avec les différentes primes qui sont proposées, la mobilisation des professionnelles, il y a une prise de conscience, car je ne suis pas la seule à avoir craqué. A mon échelle avec l’expérience que j’ai vécue, je fais attention à me ménager plus des temps pour moi, je parle plus aussi, j’écris, ça m’aide beaucoup et je suis intervenue une fois dans une école. Pour moi la clé, c’est de pouvoir se renouveler, échanger et ne pas rester seule…. Pour ma part, je crois qu’il est important de sensibiliser TOUT le monde (professionnel, manager au burn-out)
LS 1320-21 - Souffrance dans le travail social • Plonger ou rebondir ?