N° 1227 | Le 17 avril 2018 | par Gwenn Desliens, handicapé·e psychique militant·e, agenre, autiste | Espace du lecteur (accès libre)
En écho à la couverture du n°1213 de Lien Social
Appréciant habituellement votre publication, j’ai été désarçonné en voyant le dessin de couverture par Jiho du numéro 1213. On y représente un « handicapé mental » grossier, avec posture avachie, tête de travers et nez de cochon, qui, pour compléter le tableau, dit « AGNA ? ». C’est très décevant et blessant de voir une telle représentation dans un journal que nous, handicapés psychiques et mentaux, considérons comme un allié. Quel besoin y a-t il de dessiner une telle chose, vue et revue, de mettre dans la bouche du personnage le même « agna » qu’on nous adressait dans la cours de récré pour nous moquer ? Je trouverais plus pertinent de caricaturer un psychiatre ou un juge des libertés, par exemple. Ou bien le lecteur, s’étonnant que les handicapés mentaux aient effectivement une force de travail rentable, pourrait être celui qui est dessiné de façon ridicule, alors que la personne handicapée face à lui est représentée de façon digne. Notez que la couverture plus récente avec les entonnoirs sur la tête n’est guère digne, si elle est moins violente. Le compte Twitter de Lien Social a d’ailleurs récemment partagé un article de Libération qui invitait à cesser d’appeler « fous » les malades mentaux/psy. Et si vous deveniez acteurs de la déstigmatisation ? Mon compte @GwennSEA dédié à ce sujet pourrait vous être utile.
Je ne peux regarder du même œil la caricature d’un membre d’une minorité et celle d’un membre de la classe dominante, et je suis persuadé·e que l’équipe de Lien Social le comprend parfaitement.
J’ai longtemps voulu soumettre mes papiers à votre lecture, et j’étais à deux doigts de le faire quand j’ai découvert cette couverture. J’ai pensé à ce que mes camarades et moi ressentirions si un de mes papiers était publié derrière un dessin comme celui ci.
La réponse de Jiho :
C’est vrai, vous avez raison.
Je pense souvent d’ailleurs à ne plus caricaturer les personnes handicapées, les femmes, les arabes, les juifs, les pauvres, les riches, les malades, les noirs, les racistes, les pédés, les gouines et les homophobes, les chômeurs, les banquiers, les personnalités politiques, les morts, les nouveaux-nés, les parents, familles et amis des catégories précitées.
Je rêve même de ne caricaturer que les blonds aux yeux bleus de taille d’âge, de QI moyen et en bonne santé.
Bon, c’est pas tout, mais faut que j’aille m’inscrire à Pôle Emploi, moi.