N° 1245 | Le 19 février 2019 | par Mélodie Fourrier, monitrice éducatrice | Espace du lecteur (accès libre)
Je suis monitrice éducatrice dans un foyer d’hébergement. Mon travail est d’accompagner des personnes handicapées. Oui, des personnes handicapées et non pas des personnes en situation de handicap ou des personnes porteuses de handicap… Situation de handicap ? Porteur de handicap ? Ça veut dire quoi, ça ? Je m’explique… Hier soir, en discutant de ces « notions », ma nièce (10 ans et la plus intelligente nièce du monde) me dit quelque chose comme : « Tia (mon petit nom, entre nous) pourquoi ça t’énerve que les gens disent : personnes en situation de handicap ? C’est juste des mots… » – Oui, ma chérie, c’est juste des mots… mais des mots qui cachent une grande peur de ce (ceux ?) qui n’est pas dans la norme. On ne dit pas qu’une personne noire est en situation de « noiritude », ni d’une personne blanche qu’elle est en situation de « blanchitude » (ça marche avec toutes les couleurs de peau, hein, mais je vais pas toutes les citer non plus). On ne dit pas d’une personne hétérosexuelle ou homosexuelle ou bisexuelle (ou autre) qu’elle est en situation d’hétérosexualité ou homosexualité ou bisexualité… Une personne âgée n’est pas nommée comme une personne en situation d’âge avancé, si ?
En fait qu’est-ce que ça veut dire, être une personne en situation de handicap ? Ça veut dire que c’est une situation pour un temps donné ? Ça veut dire que demain, elle se réveillera, elle aura une petite vie bien rangée et elle sera « normale » ? Ça veut dire que comme pour les personnes en situation de précarité ça peut finir par s’arranger ? Et qu’en est-il alors des personnes « porteuses de handicap » ? Portent-elles leur handicap comme on porte un sac de courses ? Peuvent-elles le poser quand il s’avère trop lourd, quand elles sont fatiguées de vivre avec ? Ou est-ce que ce handicap est porté tel un fardeau, tellement lourd sur les épaules ? Cette idée de porteur de handicap laisse supposer que l’on peut aussi le déposer quelque part… Le ranger dans un coin et ne plus y penser… l’oublier… le laisser à quelqu’un d’autre…
Loin de moi l’idée que le handicap définit la personne, qu’il n’y a pas d’« évolution ». Mais le handicap reste présent et reste une casserole à traîner, quelque chose avec quoi une personne devra vivre et « grandir », quelque chose qui peut aussi faire sa force ! Évidement que le handicap ne fait pas l’identité de la personne. Mais je trouve que dire que ces personnes sont en « situation de handicap » pour nous faire moins peur, minimise ce qu’elles vivent au quotidien, ce qu’elles voient dans le regard des âmes bien-pensantes qui trouvent des mots compliqués pour des choses simples. Celles-là mêmes qui préfèreraient que les personnes qui s’occupent de ces « situations » le fassent mieux avec moins de moyens (mais ceci est un autre débat).