N° 757 | Le 16 juin 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Longtemps négligé, l’enfant est aujourd’hui parfois transformé en produit d’une impulsion, en compagnon de vie ou en prétexte au raccommodage du couple. Investi comme signe ostentatoire d’épanouissement personnel, d’équilibre familial ou de réussite, il doit répondre aux désirs très précis de ses parents. Malheur à lui, s’il déçoit en n’étant pas conforme à leurs attentes. La prise en compte de l’enfant pour lui-même constitue une mutation culturelle. _ Une poignée d’idéalistes se sont battus pendant près d’un siècle, pour que sa place lui soit reconnue. La Convention internationale des droits de l’enfant en est une illustration.
Autre conséquence de cette nouvelle perception, la création d’un médiateur lui est consacrée. Certes, Oslo l’avait déjà fait en 1981 et quand la France se dota d’une telle fonction, onze pays d’Europe l’avaient précédée. C’est grâce au poids de Laurent Fabius, alors président de l’Assemblée nationale qu’est votée la loi du 6 mars 2000, qui l’institue. C’est Claire Brisset qui est choisie pour occuper la charge de ce qui va prendre le titre de Défenseure des enfants. Premier rôle : recevoir les plaintes des mineurs et vérifier si leur droit a bien été respecté dans les procédures auxquelles ils sont confrontés. Seconde mission, porter un regard critique sur la situation des droits de l’enfant dans le pays et formuler toute proposition d’amélioration, un rapport étant remis au Président de la République chaque 20 novembre (anniversaire de la signature de la Convention).
Claire Brisset, qui a entamé sa dernière année à ce poste non renouvelable, nous dresse ici un premier bilan de son action. Près de 1 500 plaintes lui parviennent chaque année. Avec comme première raison, des difficultés liées aux conflits familiaux, les couples parentaux s’entre-déchirant sur le dos de leurs enfants. La seconde source de saisine provient de l’école. Cela concerne d’abord la toute petite minorité d’enseignants qui continue à utiliser les mauvais traitements comme outil pédagogique. C’est ensuite les dizaines de milliers d’enfants non scolarisés, car porteurs de handicaps.
C’est enfin, la pédagogie inadaptée qui place les 500 000 élèves d’une même génération face à l’obligation d’entrer dans le même moule. Deux âges sont particulièrement ciblés par la défenseure : la petite enfance et les dégâts commis par l’admission des petits de deux ans en maternelle et l’adolescence face à laquelle la nécessaire coordination des professionnels a encore bien des progrès à accomplir. L’échec scolaire est aussi à rechercher du côté de la grande pauvreté qui touche de un à deux millions d’enfants, rappelle-t-elle.
Autre constat accablant : 400 juges des enfants pour 200 000 dossiers, soit un magistrat pour… 500 situations. Si la situation de l’enfant est loin d’être catastrophique, il reste encore du chemin à parcourir pour que ses droits soient respectés.
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