N° 903 | Le 30 octobre 2008 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Contrairement à ce que l’on pense souvent, le regard que les médias nous permettent de porter sur la réalité n’est ni délibéré, ni choisi, ni maîtrisé. Sébastien Bohler, neurobiologiste, et chroniqueur à l’émission Arrêts sur image, nous aide à décrypter ces mécanismes, s’appuyant pour cela sur des expériences réalisées en psychologie sociale. S’il y a bien une constante dans les médias, c’est la succession effrénée des informations qui sature notre cerveau, le manque de temps ne nous permettant pas d’analyser d’une façon critique ce qui nous est proposé. La nécessité de comprendre rapidement nous incite à lui accorder d’emblée de la crédibilité. Cette tendance à accepter la véracité d’une actualité est encore renforcée, dès que nous arrivons à nous la représenter.
Et, elle nous apparaît d’autant plus proche que le propos, l’événement ou la situation en question, vont dans le même sens que nos préjugés, nos goûts et nos croyances initiales. Cela va encore plus loin dans la mesure où nous nous exposons de préférence à ce qui va confirmer nos croyances et que nous fuyons ce qui s’y opposent. Les mécanismes d’acceptation ou de rejet sont avant tout dictés par des logiques d’appartenance : les références culturelles, politiques, religieuses, modifient la façon dont nous percevons une information. C’est à partir de ces affiliations que notre cerveau pré-active des affects positifs face à certains thèmes ou certains mots et inversement des affects négatifs face à d’autres. Les médias ne façonnent donc pas tant les opinions qu’elles renforcent celles que nous avions initialement.
Pour autant, plusieurs facteurs peuvent peser sur l’opinion individuelle. Le premier d’entre eux est la surexposition de certaines idées ou de certaines personnes : ce que nous côtoyons régulièrement est ce qui nous est le plus familier, provoquant un a priori positif. Autre élément d’influence, l’exposition à la dimension émotive. Certes, l’être humain ne dispense pas son empathie de façon indifférenciée : son émotion est inversement proportionnelle à la proximité ; plus le malheur frappe des personnes éloignées culturellement, moins le public va se sentir concerné. C’est pourquoi la presse consacre bien plus de place à la disparition d’un enfant en France qu’aux centaines de morts d’un tremblement de terre dans une contrée reculée. Il n’en reste pas moins que le climat affectif joue un rôle essentiel dans le basculement du rationnel vers le passionnel. Ce que sait fort bien utiliser la publicité qui n’hésite pas à s’appuyer sur des récits autobiographiques ou faisant référence à l’enfance.
Dans le même numéro
Critiques de livres
Sous la direction de Françoise Charrier, Daniel Goupil, Jean-Jacques Geoffroy