N° 926 | Le 23 avril 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Toute une série de changements sont venus bouleverser ces dernières années notre société avec, en tout premier lieu, le modèle de la famille traditionnelle formé des deux parents géniteurs. Bien d’autres formes familiales ont émergé : recomposées, monoparentales, homoparentales… L’adoption a subi les mêmes mutations. Là où elle intéressait surtout des couples stériles aspirant à accueillir un enfant en bas âge, les personnes seules représentent aujourd’hui, rien qu’à Paris, 31 % des dossiers agréés. Là où les enfants concernés étaient surtout de nationalité française, 80 % des couples se tournent vers l’international, contribuant à leur niveau au métissage de la population. Là où l’hétérosexualité dominait, l’homosexualité prend une place de moins en moins négligeable, l’auteur affirmant que des parents qui ont choisi cette orientation ne se montrent pas plus fragiles psychologiquement que les autres.
Quels que soient d’ailleurs les adultes qui se lancent dans l’adoption, ils sont soumis à toute une série de secousses affectives et psychologiques dont les conséquences sont toujours difficiles à prévoir. La réussite de ce projet ne se réduit ni à l’amour, ni à l’énergie consacrés par les futurs parents, pas plus que son échec n’est imputable au seul rejet du jeune adopté. Bien des facteurs doivent être pris en compte pour appréhender cette problématique dans toute sa complexité. Il y a d’abord l’utilisation récurrente du signifiant qui peut enfermer chacun dans un statut figé. Même s’il est important de dire la vérité aux enfants, il faut aussi savoir oublier qu’il a été adopté, pour réussir à l’inscrire pleinement comme membre à part entière de la famille.
L’adoption est effective quand il n’y a plus d’alibi venant excuser un comportement ou en souligner un autre. Si l’enfant rencontre des difficultés scolaires ou si l’adolescent s’oppose à ses parents, ce n’est pas forcément inhérent à son histoire d’adoption. Pour autant, il est nécessaire de savoir décoder l’attitude de celles et ceux qui, pendant longtemps encore, auront besoin, malgré tout, de faire référence à leur origine. Pour être adopté, on doit d’abord passer par la perte de ses parents biologiques. Ce n’est pas tant l’abandon qui parfois est le plus dur à vivre, mais le scénario qui l’y a mené. Une rupture, aussi douloureuse soit-elle, n’empêche pas l’investissement de nouveaux objets d’amour, pourvu que le sujet soit accompagné dans ce qui ne relève pas tant d’un récit que d’une subjectivation. On ne peut se contenter d’expliquer une bonne fois pour toutes. C’est tout un travail sur le pourquoi et le comment qui s’avère alors indispensable. L’articulation entre la place de ceux qui ont donné la vie mais n’ont pas élevé l’enfant et celle de ceux qui ont été présents au quotidien mais qui n’ont pas engendré reste alors centrale.
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