N° 809 | Le 21 septembre 2006 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Actes du colloque organisé par Paroles d’enfants en 2003, cet ouvrage met l’accent sur le regard biaisé que trop souvent nous portons sur l’adolescence du fait d’une pratique professionnelle axée essentiellement sur ceux des jeunes qui ont les parcours les plus douloureux. Michel Fize l’affirme : il y a un vrai problème chez les adultes qui entretiennent la confusion entre les dimensions ordinaire et pathologique d’une adolescence qui n’a rien à voir avec ce continent noir qu’on prétend. Les jeunes ont plus d’assurance qu’on ne croit et plus de confiance en eux qu’on ne le pense.
Jean-Yves Hayez, pédopsychiatre à Louvain, le confirme en évoquant l’inquiétude récurrente, à toutes les époques, des générations matures face à la cohorte joyeuse de jeunes transformés en horde de diables menaçants. Patrice Huerre, psychiatre, va dans le même sens en soulignant le paradoxe d’une société qui affiche sa peur pour sa jeunesse, tout en s’inscrivant dans un fonctionnement typiquement adolescent : priorité de l’avoir sur l’être (croissance sans limites de la société de consommation) ou recherche de réponses immédiates (tout, tout de suite), au besoin grâce à des crédits ruineux. Est-ce à dire que la souffrance serait absente des jeunes générations et que l’inquiétude des adultes serait avant tout fantasmatique ?
Certes non, mais là aussi, s’il faut tout mettre en œuvre pour réduire les sources des dysfonctionnements qui les écorchent et rendre leur vie sociale la plus attractive et la plus utile possible, il faut tout autant éviter les attitudes contre-productives. Yves Stevens, psychologue, préconisera un certain nombre de comportements susceptibles d’éviter cet épuisement que l’on rencontre si souvent chez les adultes. Au premier rang de ces propositions, la reconnaissance de la compétence du jeune à élaborer les solutions qui lui permettront de s’en sortir. Cela implique pour le professionnel de passer d’une position haute « Je suis celui qui va te sauver » à une position basse « j’ai besoin que tu mettes en œuvre tes capacités pour qu’on avance ensemble ». Seconde attitude : identifier au préalable la situation d’injustice qui est à l’origine de ses comportements destructeurs (qu’ils soient auto ou hétéro agressifs). Ce n’est qu’en reconnaissant d’abord ce qu’a subi le jeune que l’on pourra ensuite être légitime dans la critique de ce que lui, a commis.
Enfin, diverses qualités apparaissent comme autant de prérequis dans la prise en charge des adolescents en grande difficulté : la patience, la ténacité, l’obstination… Le jeune ne doit pas trouver, chez un professionnel hésitant et distant, cette même indifférence qu’il a appris lui-même à cultiver afin d’édifier ce blindage indispensable pour supporter les souffrances subies.
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