N° 1306 | Le 30 novembre 2021 | Critiques de livres (accès libre)
Le pire et le meilleur
Il ne faudrait pas penser que la profession d’éducateur spécialisé n’est confrontée qu’à la mort, à la violence, à la dépendance, à l’abandon, à la folie ou aux sévices, affirme d’emblée Ingrid Romane. Car derrière le monde effrayant de la protection de l’enfance et du handicap, de la précarité et de la rue, il y a des êtres simples et sensibles, attachants et fragiles, différents mais si humains. C’est à leur rencontre que nous entrainent ses vingt récits. D’une belle écriture, parfois linéaire, souvent elliptique, l’auteure nous fait découvrir ce petit garçon de sept ans, souriant et malicieux qui ne se départit jamais de sa gaieté, même quand on lui demande le métier de sa mère : « ma mère, elle fait pute ». Ben y’en a bien d’autres qui font éduc’ ! Mais c’est aussi cette adolescente de quinze ans qui rentre épuisée de sa fugue de trois jours. Elle dort seize heures d’affilées, avant de repartir dans la rue. Certes, il y a l’annonce faite à une fratrie que leur maman devait accueillir le week-end suivant… elle vient d’être incarcérée. Mais, tout ne se résume pas à cette impuissance ou à cette adversité. Il y a aussi tant de petits bonheurs. À l’image de cette fête organisée pour le départ de l’auteure qui quitte son poste en foyer d’accueil, et dont il ne faut pas rater la description pleine de tendresse et d’émotion. Sans oublier cet adolescent qui délaissait jusque-là sa chambre et qui se mit à en aménager avec soin une autre bien plus petite qui lui avait été attribuée, en rétorsion. Le trop grand espace qui lui avait d’abord été dévolu lui rappelait trop celui dans lequel s’entassait toute sa famille. Que de vignettes délicates, respectueuses et impressionnistes il faudrait reprendre ici ! C’est au lecteur d’aller les retrouver. Il ne sera pas déçu.
Jacques Trémintin
Autoportrait de Ingrid Romane
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