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🎥 CINÉ ‱ DĂ©sordres lucides

Habités
Un documentaire de Séverine Mathieu. 85 minutes. Avec Roger Divia, Nicolas Thébault, Khadidja Belhadj, Wilfreed Obame-Allogha.
Sortie 19 octobre.



Comment vivre avec la folie ? Avec dĂ©licatesse, une rĂ©alisatrice suit quatre usagers de la psychiatrie, le dĂ©sordre de leur pensĂ©e et leur poĂ©sie. Un film illuminĂ©.

« Ă‡a bouillonne, lĂ -dedans »â€Š « J’entends des voix, comme Socrate »â€Š Ils sont habitĂ©s et tentent d’habiter leur ville et leur corps. Ils sont en lutte avec eux-mĂȘmes. DĂ©sireux de s’insĂ©rer dans un monde dit « normal » et d’y ĂȘtre intĂ©grĂ©s, ils se meuvent dans leur rĂ©alitĂ© propre. Avec luciditĂ©, ils dissĂšquent leur Ă©trangetĂ©, et s’interrogent sur la difficultĂ© de ne pouvoir rejoindre le monde de la raison. Toujours avec poĂ©sie et profondeur.



Entre raison et déraison
« J’aime voir leur monde avec leurs yeux » indique la cinĂ©aste, qui mĂšne un travail de cinĂ©ma en psychiatrie depuis de nombreuses annĂ©es. Leur luciditĂ©, leur rythme autre, leur recul par rapport au monde commun les rend riches de possibles. Parfois, les fulgurances de leurs Ă©motions semblent les amener, plus rapidement que le vulgum pecus, Ă  l’essentiel.


Khadidja


Marseille, ses itinéraires
Dans les ateliers d’écriture qui ont prĂ©cĂ©dĂ© le film, l’important Ă©tant de rendre chaque participant narrateur et actif dans l’écriture du film, la rĂ©alisatrice pouvait arriver avec un thĂšme, par exemple les itinĂ©raires dans la ville. Des sortes de reconstitution auront mĂȘme lieu : ainsi Nicolas, qui retourne dans la chambre d’isolement, ou Khadidja, dans le local Ă  poubelles oĂč elle a vĂ©cu aprĂšs le suicide de sa mĂšre



Nicolas


Narrateurs de leur folie
Roger nous explique qu’il n’est pas fou, mais qu’il joue au fou : il fait du thĂ©Ăątre. Nicolas n’aime pas non plus ce mot, parle de sa maladie, tout en voulant rĂ©ussir son annĂ©e universitaire de philo. Khadidja cherche Ă  dĂ©terminer si un lieu dĂ©terminĂ© peut la rendre heureuse ou malheureuse
 D’origine gabonaise, Wilfreed garde un regard plus positif, romantique, mĂȘme, sur sa folie ; elle a du sens, il l’aime.


Roger


Avancer
« Accepter l’idĂ©e que la maladie fait partie de soi et avancer avec » conseille un soignant lors d’un entretien. Ces fous, comme des clochards cĂ©lestes, philosophes et poĂštes, sont amenĂ©s, selon leurs termes, Ă  « caresser, faire dormir » leur dĂ©sordre psychique. Au prix parfois d’un plan de crise, pour gĂ©rer Ă©motions et colĂšres. « Le chemin est cabossĂ©, il me faut sauter au-dessus des problĂšmes »â€Š « OĂč est l’équilibre, la continuitĂ© entre les hauts et les bas ? C’est toujours en dialectique », tente d’expliquer Wilfreed.


Wilfreed


Création et psychiatrie
En 2004, la rĂ©alisatrice avait crĂ©Ă© Ă  Marseille une association, Dis-formes, pour soutenir l’activitĂ© d’ateliers cinĂ©ma en milieu de soin. Au fil des annĂ©es, va se dĂ©velopper une collaboration avec une quinzaine d’artistes et quatre hĂŽpitaux psychiatriques. Et elle achĂšve actuellement une thĂšse sur le processus de rĂ©alisation de son film HabitĂ©s (qui a Ă©mergĂ© Ă  partir d’une idĂ©e de Marielle Chevalier, Ă©ducatrice spĂ©cialisĂ©e en psychiatrie, chaleureusement remerciĂ©e dans le gĂ©nĂ©rique de fin).

Joël Plantet