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🎥 CINÉ ‱ La chasse Ă  l’enfant


Maison d’éducation surveillĂ©e vue depuis le port de Belle-Île-en-Mer


Au siĂšcle dernier, Belle-Île-en-Mer fabriquait un des pires bagnes d’enfants, dit « colonie agricole ». SĂ©vices, rĂ©bellion, scandale. Entre autres tĂ©moignages, un film — malheureusement inachevĂ© — Ă©voque ces balbutiements sombres de l’éducation spĂ©cialisĂ©e.


Dortoir Ă  la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

À l’étĂ© 1934, suite Ă  d’un trop-plein de sĂ©vices de la part des surveillants, les petits bagnards de la colonie pĂ©nitentiaire de Belle-Île s’échappent dans la lande. C’est alors la chasse Ă  l’enfant, avec l’aide de certains rĂ©sidents (il y a vingt francs par tĂȘte Ă  gagner). Jacques PrĂ©vert, prĂ©sent sur l’üle, en fera une chanson, qui sera popularisĂ©e par la chanteuse Marianne Oswald quelques mois plus tard : « Bandits ! voyous ! voleurs ! chenapans ! C’est la meute des honnĂȘtes gens qui fait la chasse Ă  l’enfant ».


Repas du personnel Ă  la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

Droits de l’enfant
À l’initiative d’Alexis Danan, grand reporter Ă  Paris-Soir (qui tire Ă  un million d’exemplaires !), une campagne de presse est lancĂ©e. Danan publie un premier article, Enfants martyrs en uniforme, qui fera grand bruit. Devant l’efficacitĂ© des dĂ©nonciations et des manifestations, certains Ă©tablissements sont fermĂ©s. Mais la rĂ©forme reste globalement vƓu pieux : en 1967, quatre-vingts jeunes Ă©taient encore enfermĂ©s Ă  la colonie de Belle-Île, qui ne sera dĂ©finitivement fermĂ©e que le 1er septembre 1977.


DĂ©placement vers le jardin potager de la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

Tandem prestigieux
Jacques PrĂ©vert Ă©crit aprĂšs-guerre une fiction intitulĂ©e L’üle aux enfants perdus, et sollicite Marcel CarnĂ©, avec qui il fonctionne bien (en tĂ©moignent les inoubliables Les Enfants du Paradis ou Les Visiteurs du soir). Un autre titre, La Fleur de l’ñge, est retenu et dĂ©posĂ© en 1947. Les acteurs sont choisis, dont la toute jeune Anouk AimĂ©e. Le scĂ©nario est peaufinĂ©. Tout le monde y croit encore.


Lavoir de la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

Scénario tragique
La trame : une jeune fille de la bourgeoisie s’ennuie sur son yacht en compagnie d’autres oisifs et s’éprend d’un petit bagnard de la colonie pĂ©nitentiaire ; il y aura Ă©vasion, chasse Ă  l’enfant, suicide d’adolescent : « tu parles d’une vacherie
 MĂȘme pas le temps de vivre, et il est dĂ©jĂ  mort
 ». Au moment oĂč l’enfance, l’adolescence sont particuliĂšrement porteuses d’avenir, Ă  la sortie de la guerre, les colonies pĂ©nitentiaires n’ont plus guĂšre le vent en poupe.


Ferblanterie de la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

Un tournage infernal
Les obstacles s’accumulent : opposition de l’administration pĂ©nitentiaire et essais de censure, temps inadĂ©quat, conflits, problĂšmes avec le yacht louĂ©, acteurs en grĂšve (Ă  l’initiative de Reggiani, dont le cachet Ă©tait quatre fois moindre que celui d’Arletty), noyade d’un figurant, explosion du budget et, pour finir, dĂ©tĂ©rioration des relations CarnĂ© / PrĂ©vert
 Le film ne se tournera que pour moitiĂ©, et seulement une vingtaine de minutes auraient bĂ©nĂ©ficiĂ© du montage
 Aujourd’hui, ne reste plus aucune image en mouvement, mais des clichĂ©s de tournage
 et des souvenirs.

Joël Plantet


Pupille regardant par une fenĂȘtre pourvue de barreaux

La fleur de l’ñge

Film inachevé de Marcel Carné (1947) sur un scénario de Jacques Prévert. Avec Serge Reggiani (Petit Louis), Anouk Aimée (Barbara), Arletty (Florence), Martine Carol (Bobette minou), Paul Meurisse (Monsieur Garnier).


‱ Voir sur le lien vimeo.com/809520628

‱ Mot de passe : cineclub - (merci Philippe Meirieu)


PrĂ©toire de la maison d’Éducation surveillĂ©e Ă  Belle-Île-en-Mer

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