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🖋 Autoportrait de travailleur social âą Carlos Lopez, Ă©ducateur Ă la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) depuis 1999 (1)
« Le principe de lâĂ©ducabilitĂ© des enfants est abandonnĂ© au profit de la rĂ©ponse pĂ©nale rapide, de la stigmatisation, de la mise Ă lâĂ©cart et de lâenfermement des mineurs les plus en difficultĂ©. »
Quels mots associez-vous spontanément au travail social ?
« Ătat social », sont les premiers mots qui me viennent Ă lâesprit. Lâinstitution dans laquelle jâexerce a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1945, dans la dynamique de la LibĂ©ration et de la mise en Ćuvre du programme du Conseil National de la RĂ©sistance « Les jours heureux ». Ă ce jour, cet esprit est de moins en moins prĂ©sent et lâĂtat libĂ©ral avec sa « concurrence libre et non faussĂ©e » prend le pas sur la solidaritĂ© et lâintĂ©rĂȘt public, mĂȘme dans le secteur du travail social. Par ailleurs, le principe de lâĂ©ducabilitĂ© des enfants est abandonnĂ© au profit de la rĂ©ponse pĂ©nale rapide, de la stigmatisation, de la mise Ă lâĂ©cart et de lâenfermement des mineurs les plus en difficultĂ©.
Depuis deux ans et demi, je suis en poste dans un service dâinsertion de la PJJ dans une unitĂ© Ă©ducative dâactivitĂ©s de jour (UEAJ) Ă Clermont-Ferrand (Puy-de-DĂŽme). Au sein dâune Ă©quipe pluridisciplinaire, nous accompagnons dans leurs dĂ©marches dâinsertion scolaire et professionnelle des jeunes dĂ©scolarisĂ©s ou sans formation, avec lâobjectif de les aider Ă intĂ©grer les dispositifs de droit commun. Nous travaillons autour de leur resocialisation Ă partir de mĂ©dias Ă©ducatifs et dâactivitĂ©s dispensĂ©es par des Ă©ducateurs et des professeurs techniques de la PJJ.
PrĂ©cĂ©demment, jâai exercĂ© en Seine-et-Marne, dĂ©partement de la rĂ©gion parisienne : quatre annĂ©es Ă la permanence Ă©ducative et pĂ©nale au sein de lâUnitĂ© Ă©ducative auprĂšs du tribunal (UEAT) pour enfants de Meaux, puis treize annĂ©es Ă lâUEAJ de Melun.
Pour quelles raisons avez-vous choisi votre métier ?
Avant dâĂȘtre Ă©ducateur Ă la PJJ, jâĂ©tais surveillant dâexternat Ă lâĂducation nationale. Me destinant vers les mĂ©tiers de lâenseignement, jâai bifurquĂ© vers lâĂ©ducation aprĂšs avoir rencontrĂ©, dans mes fonctions de surveillant, des Ă©ducateurs de milieu ouvert de la PJJ. Les Ă©changes et le travail avec ces professionnels dans le suivi de jeunes scolarisĂ©s, mâont fait apprĂ©hender une autre dimension du travail Ă©ducatif dans un cadre judiciaire, auprĂšs de celles et ceux les plus en difficultĂ©. Pouvoir exercer ce mĂ©tier au sein dâun service public dâĂ©ducation intĂ©grĂ© dans un ministĂšre rĂ©galien quâest celui de la justice, fĂ»t pour moi un choix militant et professionnel. Aujourdâhui, malgrĂ© une orientation politique qui veut transformer la PJJ en service de probation, je continue de dĂ©fendre le choix de lâĂ©ducation.
Quelle formation avez-vous suivie ?
DĂ©tenteur dâune licence en histoire, je me suis prĂ©sentĂ© au concours interne de la PJJ. AprĂšs son obtention en 1999 jâai suivi deux ans de formation Ă lâĂcole nationale de la PJJ oĂč jâai alternĂ© cours thĂ©oriques et pĂ©riodes de stages de six mois (en structure dâhĂ©bergement puis en service de milieu ouvert). En parallĂšle, nous Ă©tions inscrits Ă lâUniversitĂ© de Versailles/Saint Quentin-en-Yvelines afin de prĂ©senter une MaĂźtrise de Sciences et techniques en sciences de lâĂ©ducation. Ce double cursus professionnel et universitaire validĂ©, jâai Ă©tĂ© titularisĂ© le 1er septembre 2001.
Quel est votre meilleur souvenir professionnel ?
Choisir un « meilleur souvenir professionnel » est une chose difficile. Je retiendrais tous ces moments oĂč patiemment et avec bienveillance, jâai essayĂ© de construire une relation Ă©ducative de confiance avec les jeunes que jâai accompagnĂ©s. Encore aujourdâhui, certains me donnent de leurs nouvelles. Ma plus grande satisfaction est de mâĂȘtre donnĂ© les moyens de les accompagner dans leur parcours. Jâose espĂ©rer que la plupart dâentre eux sont parvenus Ă surmonter leurs difficultĂ©s.
Le pire ?
Quand un jeune est incarcĂ©rĂ© ou quâil vient Ă cesser de vivre.
Durant mes premiĂšres fonctions dâĂ©ducateur auprĂšs du tribunal pour enfants, jâai vu nombre de jeunes partir en dĂ©tention malgrĂ© les propositions Ă©ducatives dâalternative Ă lâincarcĂ©ration. MĂȘme si parfois elle peut ĂȘtre justifiĂ©e sur le plan pĂ©nal, je ne parviens pas Ă imaginer que la dĂ©tention dâun mineur puisse constituer une rĂ©ponse adaptĂ©e lorsquâon connaĂźt les effets dĂ©vastateurs que la prison peut avoir.
Quant au dĂ©cĂšs dâun jeune que lâon suit, certains dâentre nous y ont malheureusement Ă©tĂ© confrontĂ©s. DiffĂ©rents sentiments nous traversent : la tristesse, lâincomprĂ©hension parfois et la colĂšre, mĂȘlĂ©es Ă lâimpuissance.
Quel est votre livre de chevet ?
La vie de ma mĂšre, un roman de Thierry Jonquet (Ăd. Gallimard, 2001), par ailleurs ancien Ă©ducateur Ă la PJJ. Il sâagit de lâhistoire poignante dâun jeune incarcĂ©rĂ© qui raconte son parcours et lâenchaĂźnement des Ă©vĂ©nements qui lâont conduit en prison. La lecture de ce livre permet de ne pas rĂ©duire les enfants qui ont commis des actes de dĂ©linquance Ă leurs seuls actes.
(1) Carlos Lopez a été co-secrétaire national du SNPES-PJJ/FSU.
Retrouvez les précédents autoportraits
🖋 Thierry Trontin, co-gĂ©rant de la SCOP Voyageurs-Ăducateurs et dâun lieu de vie et dâaccueil
🖋 Laurence, rĂ©fĂ©rente de parcours du Programme de rĂ©ussite Ă©ducative
🖋 Romain Dutter, ex-coordinateur culturel au centre pĂ©nitentiaire de Fresnes
🖋 Yazid Kherfi, mĂ©diateur tout terrain
🖋 Claude, assistante de service social en polyvalence de secteur
🖋 Florent GuĂ©guen, directeur de la FĂ©dĂ©ration des acteurs de la solidaritĂ© (FAS)
🖋 Sadek Deghima, chef de service dâun club de prĂ©vention spĂ©cialisĂ©e
🖋 Lucile Bourgain, monitrice-Ă©ducatrice
🖋 Tristan Montaclair-Le Foulgoc, Ă©ducateur de jeunes enfants qui travaille avec des adolescents
🖋 Cristel Choffel, conseillĂšre technique de service social
🖋 Laure, assistante de service social en service spĂ©cialisĂ© « Familles »
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