N° 634 | Le 19 septembre 2002 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)
Ce petit livre, réalisé par deux journalistes à partir de témoignages recueillis dans des cités réputées difficiles, plonge le lecteur dans un univers méconnu. Il ne s’agit pas d’une étude de nature sociologique savamment orchestrée et destinée à mettre en lumière de nouveaux concepts mais, plus simplement, de la restitution quasiment à l’état brut de commentaires, réflexions, impressions d’un certain nombre de femmes sur ce qui fait leur existence de tous les jours.
Loin de la stigmatisation négative opérée généralement par les médias et des clichés habituels sur la vie des banlieues, l’impression qui se dégage ici est celle d’un quotidien vivant, riche d’une multitude de micro-événements. Comme le signale l’une des femmes interrogées : « Dehors ça grouille, ça bouge, ça remue, ça tchatche, ça court dans tous les sens. On bricole les voitures, on se languit aux terrasses des cafés, on s’éternise en bas des immeubles, on papote sur le marché ». Il existe ainsi une vie sociale intense, faite de rencontres, de projets, d’espoirs, de déceptions aussi. Cette activité particulièrement dense est encore enrichie par la cohabitation des populations d’origines culturelles différen tes qui produit une impression de tourbillon incessant et provoque de multiples occasions d’échanges.
Car, contrairement au repli communautaire exclusif qui nous est la plupart du temps présenté, les habitants des cités savent tirer profit de ce foisonnement culturel. Magatte, d’origine sénégalaise, témoigne ainsi avec philosophie : « Moi, je garde tout ce qu’il y a de bien chez moi, je prends ce que vous avez de bien ici et je mélange les deux ». En particulier, les femmes africaines ont conservé cette habitude de veiller sur les enfants, que ces derniers soient les leurs ou pas et, dans ce domaine, leur autorité est reconnue par les jeunes, y compris les plus turbulents. Rares sont ceux qui s’aventurent à leur désobéir ?
Mais la vie des femmes dans les cités, c’est aussi et de plus en plus, une volonté d’action collective pour améliorer le cadre de vie. Elles nourrissent l’espoir que les progrès réalisés profiteront à leurs enfants, en matière de scolarisation par exemple, de façon à ce qu’ils puissent bénéficier des meilleures chances possibles pour réussir leur vie. Mais c’est un certain réalisme qui inspire leurs projets car de toute évidence, elles sont convaincues que ce sont bien les petits changements qui ajoutés les uns aux autres finissent par produire de notables améliorations. Belle leçon de sens pratique que d’aucuns feraient bien de méditer ! Pour conclure, voici donc un agréable ouvrage, sans ambitions démesurées, que le lecteur pourra consulter utilement lorsqu’il se sent gagné par le blues des banlieues.
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