N° 1287 | Le 19 janvier 2021 | Critiques de livres (accès libre)
En recherche de figure paternelle
Comment est-il possible d’être un professionnel en protection de l’enfance, tout en garantissant la sécurité affective d’un public qui en manque tant ? Telle est l’équation qu’a réussi à résoudre Xavier Vannier avec Morgan, qu’il a accueilli dans son lieu de vie pendant sept ans. La description de ce long suivi éducatif est saisissante. Cet éducateur a commencé par se placer en position d’écoute, sans chercher à en savoir plus que ce que l’adolescent voulait bien lui confier, de crainte de tarir la source de sa parole. Il a choisi de répondre à son attente d’une relation authentique. Il a encaissé tous ses passages à l’acte. Il a eu peur face aux risques qu’il courrait. Il a tenu dans le temps, même s’il le reconnaît, il a été tenté à plusieurs reprises de baisser les bras. On ne se plaint pas de l’état de friche, explique-t-il… on l’accompagne, en respectant le rythme du jeune.
Mais, mener un tel combat n’est guère facile. Pour tenir un tel engagement, il a fallu que Xavier Vannier résiste constamment au service placeur, l’Aide sociale à l’enfance, qui exigeait de lui un fonctionnement sans affects, ni sentiments. Il y a laissé sa santé. Il a failli perdre son lieu de vie, fermé à deux reprises mais réouvert à chaque fois.
Même si toutes ces postures ne sont pas toujours suffisantes pour réussir à structurer et apaiser un enfant abimé, elles sont au moins nécessaires. L’auteur en a conçu un concept contre-intuitif : l’amour professionnel. Ses piliers s’appellent : bienveillance et tolérance, fiabilité et inconditionnalité, sécurité et réassurance, constance et continuité… ce que tant de parents garantissent à leurs enfants en difficulté et que les professionnels doivent pouvoir relayer en cas de défaillance familiale. De quoi faire du bruit dans le Landerneau de l’éducation spécialisée !
Jacques Trémintin
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