N° 944 | Le 8 octobre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Une petite fille qui révèle les attouchements sexuels que lui a imposés son père. Un service socio-éducatif qui la protège. Un tribunal qui condamne l’agresseur. Justice est faite. Mais voilà que celui qui a été reconnu coupable rédige un livre, pour se défendre. Et ce sont les éditions du Journal du droit des jeunes qui lui servent la soupe ! Entamer la lecture de ces presque 400 pages, particulièrement bien écrites, ne peut tout d’abord que laisser dubitatif. Le récit de Marcello Sereno est convainquant. Mais, on connaît la facilité avec laquelle les pervers peuvent retourner l’opinion de leurs proches, réussissant à se faire passer pour des victimes. A contrario, l’on sait aussi que des Outreau peuvent ressurgir à tout instant.
L’affaire s’est déroulée en Belgique, pays qui a fait le choix de confier aux services psychosociaux « sos-enfants », l’évaluation des accusations de maltraitance, cette expertise étant ensuite validée par la justice. Le viol psychique d’un enfant, par des professionnels qui font une fixation obsessionnelle et ne se posent aucune question : tel est le diagnostic implacable posé sur cette affaire par Yves-Hiram Haesevoets, thérapeute clinicien et expert auprès des tribunaux, après avoir longuement étudié le dossier. Troublant ! Cette rubrique n’ayant pas vocation à plagier Zola, le lecteur se fera sa propre opinion sur la culpabilité ou non de l’auteur.
Ce qui semble plus intéressant ici, c’est le regard porté sur nos pratiques de thérapeutes et de travailleurs sociaux. Dès qu’un enfant commence à parler, il se trouve trop souvent propulsé à une place d’oracle dont la parole est sanctifiée. La machine se met alors en marche, ne laissant parfois que peu de place à la capacité de douter. Les condamnations se sont multipliées depuis une vingtaine d’années, en matière d’atteinte contre l’intégrité physique des mineurs. Et pourtant, nombre de classements sans suite ou de relaxes montrent que certaines victimes ne sont pas entendues. Mais la réalité n’est pas univoque. Et il peut aussi arriver que les intervenants se forgent une certitude, dès les premières minutes, et soient ensuite aveuglés par leur conviction intime.
Le souci de protection peut alors les conduire au rejet, à la disqualification et à l’humiliation de parents considérés d’emblée comme coupables, le tout étant justifié par les meilleures intentions du monde. Or, si l’accompagnement psycho éducatif dont ont besoin les enfants victimes nécessite immédiateté, empathie et compassion, la justice, elle, se doit de surseoir, de se distancier et d’être impartiale. Ni remise en cause, ni sacralisation de la parole de l’enfant, tel pourrait être l’enseignement majeur de cette terrible épreuve qui continue à pourrir l’existence d’un père et de sa fille.
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