N° 1271 | Le 14 avril 2020 | Par Gaëlle, assistante de service social de secteur | Espace du lecteur (accès libre)
ET NON je ne suis pas en vacances !
Je pensais pouvoir faire des pauses, profiter de ma maison, du soleil et du jardin… mais ça c’était au début !!! Passée la période transitoire, on se cherche, on attend les directives, l’organisation interne externalisée, on annule les rendez-vous sur la quinzaine…
Effet marée basse, la mer se retire… s’en suit la marée haute… risque de submersion…
TSUNAMI.
La précarité et les souffrances des personnes dans le besoin, à la rue, violentées, psy, vulnérables, fauchées, alcooliques, dépendantes, toxicos, en situation de handicap, carencées, dépressives, enceintes, séparées, malades, expulsées, endettées, sans EDF, n’ont que faire du CORONA. Leurs emmerdes ne sont pas confinées !
C’est donc tout un pan de la société jamais regardé, ni valorisé : le social (au même titre que le médical, l’aide aux personnes, les bas besogneux) qui est aujourd’hui en casques bleus, à éteindre des incendies sociaux qui ont lieu à huis clos.
Les structures ferment, les institutions sont en effectifs restreints… Il faut bidouiller, bricoler, inventer des solutions, des portes de sorties…
Il reste donc les petites mains et les grandes oreilles : je suis au téléphone de 8h30h à 13 heures et de 13 h 30 à 18 heures, pour rassurer, écouter, trouver une livraison pour amener à manger, pour trouver des couches pour un nouveau-né, pour délivrer des bons alimentaires, pour trouver une place au 115 (car la dame a déjà pris deux amendes pour être dehors, normal ! Elle est à la rue), pour organiser le passage de l’infirmière, trouver du matériel de puériculture pour cette femme qui accouche cette semaine et accessoirement un mode de garde pour ses 4 autres marmots car le mari s’est barré il y a 8 mois sans jamais redonner signe de vie et accessoirement le 11 avril prochain, elle est à la rue ! Et puis il y a celle qui commence sa radiothérapie et qui a peur de laisser sa fille de 7 ans et qui vient d’apprendre le décès de sa mère en Afrique, ceux qui voudraient qu’on les reçoive, celle qui veut mettre son ado dehors… ceux qui disent qu’on est feignant…
Alors oui, je suis fonctionnaire et en confinement… Alors non, je ne suis pas en vacances !
J’aimerais encore mieux être au boulot c’est bien moins stressant : j’ai le matériel, le droit de sortir, d’accompagner, d’amener, de voir, de recevoir, de toucher.
Et j’ai mes collègues… À l’échelle de mon équipe, au lieu de douze assistants sociaux, nous ne sommes que six ou sept en moyenne en télétravail…
C’est épuisant et cela ne fait que dix jours ! Mais comme me dit une dame ce soir et c’est mon unique raison : « merci de votre dévouement, de tout cœur pour ce que vous faites pour moi et mes enfants… »
C’est déjà ça !