N° 751 | Le 28 avril 2005 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)

Construire le sens de sa vie. Une anthropologie des valeurs

Gérard Mendel


éd. La Découverte, 2004 (204 p. ; 15 €) | Commander ce livre

Thème : Philosophie

La question du mal que produit l’homme dans la société, taraude l’histoire de l’humanité : est-il possible que l’être humain accomplisse un jour un autre destin que celui de la misère et du malheur ? On peut ne plus y croire. On peut aussi décider de se battre pour mieux apprendre à vivre ensemble. Ne pas désespérer, ce n’est pas manquer de lucidité et nier les réalités de l’exclusion et de l’exploitation. C’est croire que malgré tous ces dégâts, d’autres possibles s’ouvrent à nous.

Le livre de Gérard Mendel, qui explique comment la morale d’une société, tout comme ses règles et ses lois, n’intéresse pas seulement le fonctionnement social, mais constitue aussi un repère essentiel de l’identité individuelle. Les efforts des philosophes pour déterminer des constantes et des invariants dans les valeurs, ont été nombreux, tel Léo Strauss se référant à un droit naturel, Hans Kelsen en appelant au libre arbitre, ou encore John Rawls convaincu que la raison et la justice habiteraient le cœur de l’homme, et qu’il suffirait d’aller les solliciter, pour peu qu’on écarte les apparences sensibles… Tous ces projets de morale universaliste se sont basés soit sur une révélation religieuse, soit sur une croyance en une immanence métaphysique. Ce qui a fait dire à Frederik Nietzsche que toutes ces philosophies n’avaient inventé la transcendance que pour mieux se protéger des angoisses de la condition humaine, des changements incessants, du tragique et de la mort.

Puis, ce fut la science qui, rejetant les superstitions, prétendit constituer une référence fiable. Mais, échouant tant sur la question du sens que dans la dimension de la subjectivité, elle ne permit pas, elle non plus, de fonder une véritable éthique personnelle. Si la possibilité de trouver une réponse universelle semble s’éloigner, l’irrationnel habitant le cœur humain, bien plus que la raison, la nécessité subsiste de déterminer la ligne morale sur laquelle se tenir. L’évolution contemporaine de nos sociétés ayant en effet contribué à désagréger les communautés, à affaiblir l’emprise des traditions et à isoler l’individu, la recherche de repères et d’identification est d’autant plus prégnante. On est là au cœur du mal-être actuel qui ne cesse de croître.


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