N° 946 | Le 22 octobre 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Culture codes. Comment déchiffrer les rites de la vie quotidienne à travers le monde
Clotaire Rapaille
Clotaire Rapaille est psychiatre et anthropologue. Il vit aux États-Unis depuis 1981 et y exerce comme conseiller en marketing. Il propose aux grandes marques industrielles de décrypter le fonctionnement des consommateurs afin de leur permettre de mieux vendre leurs produits.
Que vient donc faire ici un auteur qui aurait bien plus sa place dans la bibliographie d’une école de commerce que dans la rubrique d’un journal du social ? C’est parce que ce qui est utilisé dans une ambition mercantile peut aussi l’être dans une perspective humaniste. Qu’on en juge. L’auteur a élaboré un nouveau concept : l’inconscient culturel. À l’inconscient individuel freudien et à l’inconscient collectif jungien, il en rajoute un troisième : celui qui se construit au sein d’une culture donnée et qui est marqué par une histoire, des coutumes et des usages. Manipuler une population pour la faire acheter ou comprendre son mode de fonctionnement pour mieux l’aider, nécessite dans un cas comme dans l’autre d’entrer dans les codes culturels qui conditionnent ce que chacun de ses membres fait, même dans ses actes en apparence les plus arbitraires.
Pas de dérive ethnocentriste chez l’auteur qui l’affirme clairement : « Chaque culture doit être fière de son dynamisme, de son mouvement et de ses contradictions » (p.21), chacune ayant une contribution à apporter à l’humanité. Et de définir pour chaque peuple, parmi les très nombreux archétypes, ceux qui déterminent le mieux ses comportements. Ainsi, l’Occident, en identifiant la minceur à un facteur de réussite sociale, se place-t-il aux antipodes des pays du Golfe arabo-persique où la femme étant le reflet du succès de son époux, sa maigreur est identifiée à un signe de pauvreté et de déchéance. Les Inuits valorisent, eux aussi, la graisse humaine comme un atout pour survivre aux hivers particulièrement rigoureux qu’ils subissent. On conçoit qu’une campagne de prévention diététique doive, pour réussir, respecter chaque code spécifique.
Une multitude d’autres exemples sont évoqués. Si les Français parlent aisément de sexe, ils considèrent comme tabou le sujet de l’argent, exactement à l’inverse des Américains. Ces mêmes Américains qui exigent surtout d’un produit qu’il fonctionne, là où les Japonais sont en attente de sa perfection. Le repas est une affaire de goût pour les Français, d’esthétique artistique pour les Japonais et de simple remplissage pour les Américains. Aux États-Unis, il faut toujours avoir l’air jeune et masquer son vieillissement : c’est un signe de dynamisme et de santé. En Inde, la jeunesse est l’âge de la vie considéré comme le plus ennuyeux, la maturité étant valorisée comme source de sagesse et de savoir. La connaissance de toutes ces spécificités est incontournable pour interpréter des comportements, a priori énigmatiques.
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