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🎥 DOCUMENTAIRE ‱ D’amour et de feu


Boum boum
Un documentaire de Laurie Lassalle. 110 minutes.
Sortie 15 juin 2022.

Une cinĂ©aste amoureuse suit le mouvement des Gilets jaunes et l’incandescence de l’insurrection. En rĂ©sulte un film intime et politique, empreint de pulsion de vie et d’urgence



Fin d’automne 2018. VĂȘtue de gilets jaunes, la prĂ©caritĂ© descend dans la rue et embrase les Champs-ÉlysĂ©es. S’habituant progressivement Ă  la violence, aux feux de poubelle, aux lacrymos, aux pavĂ©s descellĂ©s et aux grilles arrachĂ©es, aux tirs tendus de flashballs, une jeune femme cinĂ©aste, amante et binĂŽme de manif, filme la rage et l’émotion.

Un nouveau monde

Elle reconnaĂźt « des revendications dix fois moins urgentes que les gens qui sont lĂ  » et Ă©voque surtout, entre dĂ©vastation, sidĂ©ration, excitation, son besoin d’ouvrir un monde nouveau avec Pierrot, compagnon rĂ©cemment rencontrĂ©. Elle choisit rĂ©solument une approche sensorielle et dĂ©cide de filmer les affects. Dont les siens.

Patchwork

Dans ce concentrĂ© rĂ©volutionnaire, elle rencontre — et fait parler — mille rĂ©voltes (dont certaines bien allumĂ©es, mystiques ou fascisantes), recueille des rĂ©cits de retraites minuscules et de fins de mois angoissantes, filme la comique perplexitĂ© de vieux habitants du 16Ăšme, affronte face camĂ©ra les visages ensanglantĂ©s et les tibias fracassĂ©s par les flashballs. Dans ce qui s’apparente parfois Ă  des scĂšnes de guerre, elle vibre, aime et pense.

Le cƓur et la grenade

Sous un FFP2 qui permet de mieux respirer, au plus prĂšs des dĂ©flagrations, dans ce chaos de corps et d’espoir, la rĂ©alisatrice filme l’émeute, le soulĂšvement. Boum boum
 Le cƓur aussi se soulĂšve et, dans un romantisme brĂ»lant, elle vit l’incandescence des sentiments, en totale immersion. La mĂ©taphore du feu de la rĂ©volte et de la brĂ»lure de l’amour explose tout au long du film.

Game over
« Ă‰trangement, aprĂšs notre rupture, le mouvement s’essouffle
 » observe la rĂ©alisatrice qui, infiniment Ă©prise de libertĂ©, reconnaĂźt avoir voulu « dĂ©construire les rĂšgles de l’amour ». Ou bien l’inverse ? L’imbrication de la dĂ©marche — filmer l’amour, filmer la rĂ©volte — est telle que la double rupture s’impose comme une Ă©vidence. In fine, une Ɠuvre troublante et troublĂ©e, sur l’émergence d’un mouvement Ă  qui aucune rĂ©ponse de fond n’a encore Ă©tĂ© apportĂ©e.

Joël Plantet