N° 1029 | Le 8 septembre 2011 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Le décrochage scolaire n’est pas un phénomène hexagonal, ni même européen. Il concerne tous les pays développés qui ont vécu la massification des conditions d’accès à leur école. Partout, où la volonté de démocratiser l’enseignement et le rêve d’égalité se sont heurtés à la déception et au désenchantement, on connaît ce processus dynamique de désaffiliation, de désaffection et de désengagement.
Le travail que nous propose ici Catherine Blaya est impressionnant dans sa justesse et sa précision. Loin du simplisme monocausal habituel qui stigmatise la démission parentale ou la paresse des élèves, cette universitaire chercheuse nous propose une perception systémique, qui englobe l’ensemble des problématiques à l’origine de cette véritable désertion de l’école. On ne peut privilégier ni les facteurs personnels, ni les facteurs familiaux, ni les facteurs scolaires pour expliquer cette sortie de façon anticipée ou sans qualification du système éducatif. Pour l’excellente raison qu’ils interviennent potentiellement tous les trois.
Chaque parcours de décrochage est unique et fait intervenir aussi bien une faible estime de soi, des troubles du comportement ou des troubles dépressifs, que des problèmes de cohésion parentale, de difficultés socio-économique ou de distance entre culture familiale et culture scolaire, que des attitudes négatives de la part des enseignants, un mauvais climat de classe ou des violences entre élèves. Il en résulte que le groupe des décrocheurs est très hétérogène, présentant des problématiques très diversifiées. Quant à la corrélation entre désinvestissement scolaire et délinquance, elle est loin d’être systématique, bien des enfants concernés restant plus facilement à s’ennuyer devant leur télévision, chez eux, qu’à arpenter les rues en commettant des infractions. Beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs bien plus souvent victimes de violence qu’auteurs.
Mais Catherine Blaya ne se contente pas d’une brillante analyse de l’état des lieux. Elle présente aussi de multiples dispositifs expérimentés aux quatre coins du monde qui illustrent tant de mauvais choix que des voies prometteuses. De cet inventaire critique, il ressort que les programmes qui fonctionnent sont ceux qui repèrent et interviennent de façon précoce, qui favorisent le suivi individualisé et la prise en compte de la globalité de la vie de l’enfant, qui renforcent les liens avec les familles, qui réduisent la taille des classes et qui s’étendent sur une durée suffisante pour permettre un investissement sur un long terme. Plus que de moyens financiers supplémentaires, ce dont a surtout besoin l’école c’est d’une nouvelle culture qui tourne le dos à l’ennui, l’humiliation et la disqualification qui y dominent parfois, source d’agressivité, d’agitation et de conflit.
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