N° 716 | Le 8 juillet 2004 | Patrick Méheust | Critiques de livres (accès libre)

Des maux indicibles. Sociologie des lieux d’écoute

Didier Fassin


éd. La Découverte, 2004 (187 p. ; 17 €) | Commander ce livre

Thème : Adolescence

La seconde moitié des années 1990 a vu se multiplier les dispositifs dont la vocation est de proposer à des publics en difficulté (jeunes en errance, toxicomanes, etc.) des lieux d’écoute. On se souvient en effet que la campagne présidentielle de 1995 avait été dominée par le thème de la fracture sociale. Il importait donc de donner une suite concrète aux bonnes intentions affichées avant l’élection. Les circulaires ministérielles Barrot de 1996 et Gaudin de 1997 répondent à leur manière à cet objectif. Face à cette souffrance, dont on peut situer au moins en partie l’origine dans les désordres de la vie quotidienne et l’incertitude du lendemain, déployer une attention particulière empreinte de compassion pour « accueillir » la plainte formulée par les plus défavorisés semble effectivement assez judicieux.

L’intention participe de ce regard renouvelé sur la question sociale qui, dans un souci de déculpabilisation des personnes confrontées à des problèmes de nature sociale ou économique, s’évertue à les considérer avant tout comme victimes d’un système qui engendre nécessairement de la marginalisation et de l’injustice. « Écouter, c’est reconnaître le bien fondé de la plainte » nous dit l’auteur. Cependant, l’écoute, d’une manière générale, est relativement connotée sur le plan médico-psychologique. Aussi, afin d’éviter de basculer d’une stigmatisation dans une autre, les dispositifs mis en place doivent veiller à ne pas s’enfermer dans une réponse de type curatif. Même si, pour une partie d’entre eux, les écoutants sont de formation plus ou moins reliée à la psychologie, la préoccupation centrale relève en réalité du domaine de la santé mentale envisagée d’une manière très large. « Plus qu’à une psychiatrisation du social, on a affaire à une sanitarisation de la psychiatrie » signale Didier Fassin.

L’étude détaillée de cinq dispositifs installés en région parisienne montre cependant un certain décalage entre les objectifs affichés par les textes et la réalité de ce qui se passe sur le terrain. Le point d’accueil jeunesse et santé, par exemple, est devenu un espace proposant des activités ludiques aux enfants du quartier indépendamment de toute difficulté sociale ou psychologique particulière. Cependant, un autre point d’accueil destiné aux adolescents leur offre un véritable espace de sociabilité où ils ont la possibilité de se ressourcer, préservés pour un temps des violences du quartier. Bilan mitigé donc. On peut se demander enfin, à l’heure où le discours politique se focalise sur les questions sécuritaires, quelle sera la place future de ces instances fondées sur la sollicitude.


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