N° 1304 | Le 2 novembre 2021 | Critiques de livres (accès libre)
Enfants et familles vulnérables en protection de l’enfance
Michel Boutanquoi et Carl Lacharité (sous la direction)
J’ai une tête de vulnérable ?
Si les années 1990 ont vu apparaître et se généraliser la notion d’exclusion, la décennie 2010 a privilégié celle de vulnérabilité. Ce concept séduisant mérite pourtant d’être interrogé. La condition humaine est fragile et tout individu est faillible. Pourquoi opposer des populations réifiées dans un statut figé et une faiblesse immuable face à des travailleurs sociaux réputés sauveurs infaillibles ? Une telle approche normative de la vulnérabilité est le fruit de l’individualisation et de la psychologisation des problèmes sociaux. La personne accompagnée y est enfermée dans une triple délégitimation : la victimisation (elle est responsable de son problème et de l’échec de l’intervention), l’infantilisation (elle n’a pas les compétences pour comprendre ses difficultés et penser ses propres solutions) et la stigmatisation (elle est étiquetée inférieure, du fait de son impuissance). Ce qu’il faut alors, c’est lui fournir les ressources matérielles, psychologiques et éducatives pour s’en sortir. On retrouve là le registre néolibéral qui attribue les difficultés sociales aux faiblesses internes, déficiences personnelles et incompétences des exclus qu’il faut inverser par l’activation. Pour les auteurs, la vulnérabilité n’est qu’une potentialité universelle à être blessé dont la concrétisation dépend du contexte social, des caractéristiques individuelles et des circonstances dans laquelle elle émerge. Et, surtout, elle est réversible. L’approche participative qu’ils préconisent articule le savoir-faire expérientiel des parents avec celui des professionnels et incite à combiner leurs compétences réciproques dans une éthique qui se fonde sur l’incertitude et l’ambiguïté de toute intervention.
Jacques Trémintin
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