N° 1105 | Le 16 mai 2013 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Gérard Lopez l’annonce d’emblée : son ouvrage s’appuie sur des données validées par la recherche, privilégiant les études scientifiques parues dans des revues avec comité de lecture, et non sur les théories fonctionnant à partir des seules convictions. Ainsi, tous les travaux rétrospectifs ou longitudinaux qu’il cite convergent pour démontrer le rôle joué par les maltraitances subies par les enfants dans le déclenchement de troubles ultérieurs tant physiques que psychologiques : dépression, anxiété majeure, conduites antisociales, délinquance, dépendances aux drogues, tentatives de suicide, troubles cognitifs etc.
L’auteur cherche ensuite les raisons des blocages empêchant l’utilisation de ces résultats démontrés objectivement pour mettre en œuvre efficacement la protection de l’enfance. Il désigne plusieurs fautifs. C’est d’abord la psychanalyse qui est visée, elle qui dénia, pendant longtemps, les violences réelles subies, en les considérant comme relevant de fantasmes œdipiens. Les prises de position idéologiques, ensuite, qui préfèrent défendre des idées (éthique de conviction) plutôt que de se déterminer à partir de ce qui est prouvé (éthique de discussion). Les dérives sécuritaires, encore, qui se contentent de réprimer les transgressions pénales, sans s’interroger sur les corrélations, pourtant scientifiquement attestées, avec les mauvais traitements vécus antérieurement. Puis vient la résilience, accusée de banaliser les traumatismes vécus en laissant croire qu’ils pourraient être exempts de conséquences néfastes à l’âge adulte. Quant au syndrome d’aliénation parentale ou à celui des faux souvenirs, n’étant pas démontrés statistiquement, ils serviraient surtout à semer le doute et à discréditer la parole de l’enfant victime.
L’auteur consacre la dernière partie de son propos à décrire les modalités scientifiques de repérage et de détection des maltraitances et à décliner les différentes prises en charge thérapeutiques qui ont fait leurs preuves. Certes, la lecture de cet ouvrage permet de ne plus rien ignorer ni des capacités cognitives d’un enfant (permettant d’apprécier, selon son âge, ce qu’il peut ou non identifier), ni de l’examen médico-légal de la petite victime (facilitant les traces physiologiques de son agression), ni du protocole d’entretien des psychologues experts (garantissant le respect de la parole de l’enfant). Tout cela est certainement très utile, très objectif et très savant. C’est sûr que c’est très rationnel. Pourtant, l’ouvrage donne la sensation d’une autopsie de la question de la maltraitance, disséquée sur une table d’opération, avec scalpel, scie et pèse-organe. Il manque juste un peu de cette humanité complexe et énigmatique que les vignettes cliniques ne permettent pas de rétablir. Si c’était aussi simple !
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