N° 1304 | Le 2 novembre 2021 | Par Jérôme Corderet, porteur d’un handicap, et citoyen comme les autres | Espace du lecteur (accès libre)
Il est n’est pas si fréquent qu’une revue de travailleurs sociaux donne la parole à une personne accompagnée. C’est bien dommage. À preuve ces deux contributions du même auteur.
La personne handicapée, un citoyen comme les autres. En 2005, se sont tenus à Paris les premiers états généraux du « Conseil National pour le Handicap » (le CNH, créé à l’initiative de Jacques Chirac, lors de l’année européenne du handicap en 2003). Pour les préparer, les organisateurs souhaitaient s’appuyer sur les préoccupations des personnes handicapées elles-mêmes et demandaient à chaque personne ayant un projet, de le leur faire parvenir. Travaillant depuis 2004 sur un projet d’appartement mutualisé pour personnes très dépendantes, j’ai envoyé ce projet. Sans doute les organisateurs ont trouvé dans ces idées l’émergence d’un courant, car ils m’ont invité à participer à ces états généraux. Différents colloques étaient proposés et j’ai choisi celui intitulé « Handicap et citoyenneté ». Je ne vous raconterai pas ce qui s’y est dit et échangé, mais le dimanche soir, lors du retour en train, j’ai eu envie de noter mes réflexions à chaud. Et j’ai envie de vous en faire part aujourd’hui, car je trouve qu’elles s’actualisent tous les jours dans le cadre de mon expérience actuelle sur mon foyer actuel.
Se sentir autonome dans la cité, c’est bien sûr profiter du travail fait sur l’accessibilité de la ville. Mais paradoxalement certains aménagements mettent la personne handicapée en dehors du fonctionnement d’un individu normal : c’est le cas des caisses prioritaires dans les magasins. Je ne crois pas qu’il soit toujours nécessaire de passer devant tout le monde, car être citoyen c’est aussi avoir sa place dans la file d’attente. Le handicap ne donne pas droit à tous les droits. Pareillement, je suis contre la gratuité pour les personnes en situation de handicap, car pour moi cela attise les différences au lieu de les fondre. Dans les institutions et surtout les associations de parents, j’ai le sentiment parfois qu’on ne prépare pas suffisamment les personnes comme moi à une vie citoyenne car le but est d’abord de protéger la personne. C’est pourquoi j’ai ce projet de vie autonome en appartements mutualisés (plusieurs appartements sur un même lieu bénéficiant de services en commun) pour diminuer les coûts et pour permettre, comme l’incite la loi 2005, à un véritable choix de vie, au cœur d’une ville à partager.
Pour moi, pouvoir devenir acteur de sa propre vie, c’est possible. Mais, on ne doit pas attendre des autres qu’ils nous rendent acteurs. On manque de structures où la personne reste maître d’œuvre et n’est aidée que là où elle a besoin. De manière générale, le soin que l’on apporte à sa tenue, l’aspect que l’on offre à la vue, la façon de se comporter avec l’extérieur, sont des choses importantes. Elles facilitent et rendent durable et fructueuse l’insertion au milieu des valides qui respectent notre manière de vivre avec notre handicap, notre différence. Il faut aussi penser à aider ceux qui nous aident, en portant des vêtements adaptés, en préparant et en rangeant les choses pour qu’ils les trouvent facilement (exemple ma carte, quand je vais à la bibliothèque). J’ai remarqué que la plupart des gens étaient prêts à nous rendre service. Alors faisons notre possible pour que cela soit agréable pour tous.
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