N° 918 | Le 26 février 2009 | Jacques Trémintin | Critiques de livres (accès libre)
Être parent était encore, jusqu’à peu de temps, évident. Et puis, voilà que cette responsabilité est assaillie par le doute. Laurent Ott nous propose ici un ouvrage de réflexion sur ce temps de partage avec des enfants qui sont à la fois les nôtres et autres. Il commence par s’insurger contre la mise en accusation récurrente des familles, conséquence de la mission qui leur est confiée de suppléer à un sens que la société n’est plus en capacité de donner. La parentalité est un concept né pour donner un nom à toutes les démissions éducatives, politiques et institutionnelles.
L’auteur, ancien éducateur devenu professeur des écoles, n’est d’abord pas tendre avec les professionnels. Il n’hésite pas à ironiser sur celles et ceux qui savent toujours ce qu’il faut faire, mais jamais comment le faire et qui n’hésitent pas à solliciter les parents, quand cela les arrange, mais jamais quand il s’agit de co-construire un projet pour leurs enfants. Pourtant, la posture de celui qui connaît la bonne réponse s’effondre quand l’éducateur, l’enseignant ou la puéricultrice, est confronté à ses propres enfants. Un mur étanche se dresse entre la démarche professionnelle et personnelle, les capacités relationnelles développées avec ceux dont on a la charge étant de bien peu d’utilité, quand on veut communiquer avec les siens.
Mais il est bien d’autres facteurs qui contribuent à détériorer la situation. Ainsi de cette dérive consistant à protéger l’enfant contre toute sorte de risques. Ce dont celui-ci a peur n’a rien à voir avec ce que les adultes craignent le concernant. Le véritable danger tient dans le manque d’estime et de confiance en lui, dans le dédain qu’il ressent parfois dans son entourage pour ses besoins. Nous ne sommes pas tant là pour l’empêcher de tomber, que pour lui apprendre à se relever, en se passant de nous.
Et puis, il y a ce culte de la réussite qui est devenue une obligation, y compris dans nos faillites personnelles (réussir son divorce) ou nos dépressions et maladies. C’est quand l’enfant ne ressemble pas à la norme, que l’on commence à se sentir coupable et responsable. Or, être parent, c’est aussi se confronter à tout ce qui n’est pas positif. Et être parent d’un enfant différent qui ne réussit pas, c’est être au cœur de la fonction parentale : compter avec l’inattendu et l’imprévisible et improviser sans savoir à l’avance le résultat de son action.
Enfin, on a l’habitude de faire de la famille la gardienne des valeurs. Mais lesquelles ? Car les modèles fourmillent. Ce dont a le plus besoin le petit d’homme, c’est surtout l’exemple de la cohérence des adultes qui mettent en accord leurs paroles avec leurs actes et qui réussissent tant à dire ce qu’ils font, que faire ce qu’ils disent.
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